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Venezuela: la cheffe de l'opposition dit craindre pour sa vie

Venezuela: la cheffe de l'opposition dit craindre pour sa vie
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Caracas (AFP) - La cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado a assuré jeudi "craindre pour (sa) vie" et être forcée de "se cacher", après avoir appelé à la mobilisation contre la réélection de Nicolas Maduro à la tête du pays.

"J'écris ces lignes cachée, craignant pour ma vie, ma liberté et celle de mes compatriotes", écrit Mme Machado, dans une tribune au Wall Street Journal, au lendemain de menaces lancées à son encontre par M. Maduro.

"Je pourrais être capturée au moment où j'écris ces mots", assure-t-elle.

Une source de l'opposition a indiqué à l'AFP que la dirigeante "est en sécurité" et qu'elle s'adresserait aux Vénézuéliens dans les prochaines heures.

"Après cette farce (proclamation de l’élection de M. Maduro), des manifestations spontanées ont éclaté notamment dans les quartiers pauvres de Caracas et d'autres villes.M. Maduro a répondu par une répression brutale", selon Mme Machado.Cette répression "doit cesser immédiatement, afin qu'un accord urgent puisse être conclu pour faciliter la transition vers la démocratie (...) Nous ne nous reposerons pas tant que nous ne serons pas libres", conclut-elle.

Mercredi soir, la cheffe de l'opposition, déclarée inéligible par le pouvoir et qui avait été remplacée au pied levé à la présidentielle de dimanche par le discret diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia, a lancé un appel aux Vénézuéliens à descendre dans les rues, premier du genre depuis le début de cette crise présidentielle. 

- "Je compte sur vous!" -

Plus de 1.200 personnes ont été interpellées et une douzaine tuées lors des manifestations spontanées qui ont éclaté dans le pays dans les deux jours ayant suivi le scrutin.L'opposition a fait état de vingt morts et onze disparitions forcées.

Héritier du dirigeant socialiste et bolivarien Hugo Chavez, M. Maduro, 61 ans, au pouvoir depuis 2013, a été réélu pour un troisième mandat jusqu'en 2031, à l'issue du scrutin de dimanche remporté avec 51,2% des voix contre 44,2% à son adversaire, selon les résultats officiels.

Le Conseil national électoral (CNE), qui a fait état d'un piratage informatique, n'a pas publié les résultats détaillés par bureau de vote alors que l'opposition dit avoir elle regroupé plus de 80% des bordereaux des bureaux.Selon ce décompte, M. Gonzalez Urrutia a recueilli 67% des voix.

Mme Machado et le candidat Urrutia ont dénoncé une "fraude massive" et exigé un recomptage transparent, une demande reprise par de nombreux pays occidentaux, mais aussi d'Amérique latine.

De son côté, M. Maduro a menacé mercredi de mettre "derrière les barreaux" les deux chefs de l'opposition, jurant que ses adversaires n'arriveraient "jamais au pouvoir". 

Dans la soirée, il est allé à la rencontre de policiers anti-émeutes déployés casques sur la tête et matraques à la main, dénonçant les "criminels" contestant sa réélection dont "plus de 1.200 ont été capturés"."Je compte sur vous!", a-t-il lancé aux policiers.

- Faire des provisions -

Jeudi, la vie a repris son cours quasi-normal à Caracas, et les transports publics ont circulé de nouveau.

"La vie revient à la normale.Je reviens du travail et j'achète quelques petites choses à manger pour la maison", a déclaré à l'AFP Reinaldo Garcia, 55 ans, un petit entrepreneur du quartier populaire de Petare.

"On ne sait pas ce qui peut arriver.Avec cette incertitude, les gens font des provisions.Comme tout le monde, je suis sorti faire des courses, du sucre, un peu de tout.Le pays est dans un entre-deux", a commenté Carmen, 50 ans, toujours à Petare.

Dans la ville, la présence policière reste discrète, quoiqu'un peu plus visible que d'habitude, avec des déploiements nocturnes dans les quartiers les plus contestataires.

Les obsèques de plusieurs des manifestants ont eu lieu, comme celle de Victor Bustos, tué d'une balle dans la poitrine à Valencia (nord), la troisième ville du pays.

"Ils ont pris sa vie injustement", ont raconté les proches de cet ouvrier de 35 ans, accusant la police d'avoir "tiré à balles réelles".

- "Avec célérité" -

Selon l'ONG vénézuelienne Foro Penal, 46 personnes ont été arrêtées à Valencia, dont certaines "transférées vers des sites militaires en toute illégalité", selon la même ONG.

Selon le procureur général Tarek William Saab, 1.062 personnes ont été arrêtées pour "comportement fascisant", encourant jusqu'à trente ans de prison. 

Plusieurs ONG, dont Amnesty International, ont dénoncé dans un communiqué "l'usage disproportionné de la force par les forces de sécurité vénézuéliennes".

La  Colombie, le Brésil et le Mexique, tous trois entretenant plutôt de bonnes relations avec le Venezuela chaviste, ont demandé jeudi "une vérification impartiale des résultats", et ceci "avec célérité".

Le Brésil a annoncé qu'il allait assurer la sécurité de l'ambassade d'Argentine à Caracas, où sont réfugiées six personnalités de l'opposition, ceci alors que son personnel a reçu l'ordre de quitter le pays.Il s'est aussi engagé à protéger la représentation du Pérou, pays ayant reconnu l'opposant Edmundo Gonzalez comme président élu.

Selon un haut-diplomate des Etats-Unis, M. Gonzalez a "clairement" battu Nicolas Maduro, avec un écart se comptant même en "millions de voix".

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