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Cette petite créature marine dispose de sa propre cape d’invisibilité

Cette petite créature marine dispose de sa propre cape d’invisibilité
Publié le 28 avr. 2024 à 12:00, mis à jour le 28 avr. 2024 à 10:00

Cette petite créature marine dispose de sa propre cape d'invisibilité. Transparente et avec un revêtement antireflet, elle est pas belle la nature ?

Si la vie déborde sous la mer, les conditions sont souvent très difficiles, obligeant les organismes à déployer des trésors d’inventivité pour leur survie. Celle-ci passe notamment par le camouflage, un domaine dans lequel excelle la seiche, par exemple. Mais en pleine mer, il n’y a pas vraiment de cachettes, ce qui explique pourquoi la transparence est si présente. Mieux encore, certaines créatures sont pourvues d’un revêtement antireflets les rendant presque invisibles. Explications de Laura Bagge, biologiste marine et doctorante à l’université Duke.

Cette petite créature marine dispose de sa propre cape d’invisibilité

Laura Bagge s’intéresse particulièrement aux amphipodes prédateurs du genre Hyperiidea, de “petites” créatures qui peuvent être relativement effrayantes. C’est d’ailleurs l’une de ces espèces, le tonnelier de mer (Phronima sedentaria), qui aurait inspiré la reine extraterrestre du film Aliens. Il y a quelques années, elle observait les spécimens collectés sur un bateau : “J’ai plongé ma main dans le seau pour essayer d’attraper quelque chose d’autre, et au lieu de cela, j’ai heurté quelque chose de dur, que je ne pouvais même pas voir. J’ai retiré ma main du seau… on aurait dit un animal en verre.”

La transparence est rare et très intéressante pour qui la possède, dans la mesure où elle rend difficile d’être vu. Si vous êtes plus haut qu’un prédateur, vous n’aurez pas d’ombre. Mais Laura Bagge voulait savoir pourquoi cet animal était aussi difficile à voir. Lorsque la lumière frappe un objet transparent, elle ne le traverse pas entièrement. Une partie est renvoyée, c’est grâce à cette dernière que nous percevons l’objet. Dans la mer, les Hyperiidea peuvent être éclairés par le Soleil ou la Lune, ce qui les rend visibles pour les prédateurs, particulièrement ceux qui, comme Grammatostomias flagellibarba, utilisent des projecteurs bioluminescents pour repérer leur prochain repas.

Alors certains Hyperiidea sont allés plus loin, grâce à des revêtements antireflets. Quand la lumière traverse un milieu autre que le vide parfait, elle est ralentie. L’indice de réfraction (IR) indique la vitesse dans un milieu. L’IR de la glace d’eau est de 1,31, cela signifie que la lumière évolue 1,31 fois plus vite dans le vide qu’à travers la glace. Si la lumière arrive dans un matériau dont l’indice de réfraction est plus élevé, le changement brusque peut créer une réflexion très brillante, ce qui signerait un arrêt de mort pour les Hyperiidia. IR de l’eau de mer : 1,34. IR du crustacé : 1,57. Mais alors, comment font-ils ?

Transparente et avec un revêtement antireflet, elle est pas belle la nature ?

Laura Bagge a découvert que l’espèce Cystisoma était dotée de pattes recouvertes de minuscules structures, des nanotubérances : “Cela ressemble un peu à des poils de moquette. […] L’idée est d’amortir les réflexions, de les adoucir, de la même manière qu’une moquette suspendue dans un studio d’enregistrement adoucit les ondes sonores.” Chacune de ses structures à la forme d’une montagne, à un niveau nanoscopique. La lumière frappe d’abord les pointes, avec une petite surface, puis descend, la surface augmente jusqu’à ce qu’elle atteigne le sol. Ainsi, la lumière passe par une “zone tampon” qui fait augmenter progressivement l’indice de réfraction, réduisant grandement la réflexion – environ deux ordres de grandeur selon les modèles informatiques conçus par Laura Bagge -.

Ces nanotubérances n’ont pas été observées sur les autres espèces étudiées par la biologiste, mais elle a observé autre chose : des sphères microscopiques recouvrant tout le corps des Hyperiidea. Ces dernières pourraient être des organismes vivants : “Il y avait essentiellement ces petites structures filiformes qui sortaient d’elles pour s’attacher aux surfaces, ce qui est le cas de la plupart des bactéries. Et, comme pour les bactéries, les sphères semblaient se reproduire en se divisant en deux.” Avec, ici aussi, l’appui de simulations informatiques, elle a mesuré les propriétés de ces sphères. Il s’avère que celles-ci sont capables de diviser par quatre la lumière réfléchie. Pour les crustacés, cela leur permet d’avoir ce revêtement antireflet vital, pour les bactéries, c’est un hôte tant convoité.

Laura Bagge a l’intention de poursuivre ses recherches, et cela passera par collecter d’autres spécimens, si elle y parvient ! À suivre !

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