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Washington prive Harvard de ses étudiants étrangers, Pékin mécontent

Washington prive Harvard de ses étudiants étrangers, Pékin mécontent
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New York (AFP) - Les étudiants étrangers bientôt bannis de Harvard: l'administration de Donald Trump poursuit son offensive contre la prestigieuse université américaine, lui reprochant une complaisance envers l'antisémitisme et des liens avec le parti communiste chinois, une décision dénoncée vendredi par Pékin.

"La Chine s'est toujours opposée à la politisation de la coopération éducative", a déclaré Mao Ning, porte-parole du ministère des affaires étrangères, lors d'un point presse vendredi."La démarche de la partie américaine ne fera que nuire à l'image et à la réputation internationale des États-Unis", a-t-elle relevé.

L'administration Trump reproche à Harvard de favoriser "la violence, l'antisémitisme et de se coordonner avec le Parti communiste chinois sur son campus", avait asséné quelques heures plus tôt la ministre américaine de la Sécurité intérieure, Kristi Noem.

Plus de 2.100 étudiants chinois sont actuellement inscrits à Harvard, selon les chiffres officiels, et des centaines de milliers d'autres fréquentent d'autres universités dans un pays longtemps considéré par beaucoup en Chine comme un symbole de liberté académique et de rigueur.

Le Parti communiste chinois exerce un contrôle serré sur de nombreux aspects de la société chinoise, dont l'éducation supérieure, et de nombreux étudiants chinois vont se former à l'étranger.

"La certification du programme SEVIS (Student and Exchange Visitor) de l'université Harvard est révoquée avec effet immédiat", a écrit jeudi Mme Noem à l'établissement du Massachussets (Nord-Est), fondé en 1636 et pilier de la fameuse Ivy League, ce groupe d'universités de la côte Est matrice d'une élite américaine et internationale.

Plusieurs chefs d'Etat étrangers se sont assis sur ses bancs, comme les Colombiens Juan Manuel Santos et Alvaro Uribe et le Chilien Sebastian Pinera, l'économiste libérienne Ellen Johnson Sirleaf, première femme présidente d'un pays africain, ainsi que l'impératrice consort du Japon, Masako Owada.

La ministre allemande chargée de la Recherche Dorothee Bär a déploré vendredi "une très, très mauvaise décision" et a dit espérer qu'elle serait annulée.

D'après son site internet, Harvard, classée parmi les meilleures universités au monde et qui a produit 162 prix Nobel, accueille cette année quelque 6.700 "étudiants internationaux", soit 27% du total.

Cette décision américaine, rude coup pour les finances et le rayonnement du campus de Harvard, "est la dernière d'une série de mesures de représailles et d'autoritarisme flagrant à l'encontre de la plus ancienne institution d'enseignement supérieur des États-Unis", a dénoncé l'Association américaine des professeurs universitaires (AAUP) à Harvard.

- "Panique" -

D'après Kristi Noem, les étudiants étrangers déjà inscrits doivent "se transférer" dans une autre université d'ici à la rentrée prochaine, sous peine de perdre leur visa.

Une initiative déjà prise par Karl Molden, étudiant autrichien de 21 ans en administration et lettres classiques, qui n'avait pas attendu que le couperet tombe et s'est inscrit à l'université d'Oxford, en Grande-Bretagne.

"J'aime Harvard et y entrer a été le plus grand privilège de ma vie", mais "les Etats-Unis sont de moins en moins attractifs pour l'enseignement supérieur", a-t-il souligné auprès de l'AFP.

Une étudiante américaine du campus en quatrième année, Alice Goyer, a rapporté que "tout le monde panique un peu", espérant une "bataille judiciaire" contre cette interdiction.

Le gouvernement américain a assorti sa décision d'un ultimatum: si Harvard veut retrouver son "privilège", elle doit fournir dans les 72 heures une série d'informations dont elle disposerait sur d'hypothétiques activités "illégales" de ses étudiants étrangers dans les cinq dernières années.

"Cette décision du gouvernement est illégale", a immédiatement répondu un porte-parole de Harvard, contacté par l'AFP.

- "Indifférence délibérée" -

L'université s'était distinguée il y a plusieurs semaines en attaquant en justice le gouvernement sur le dossier du retrait de ses aides fédérales.Elle a été privée de près de 2,7 milliards de dollars de subventions.

L'administration Trump a lancé une vaste offensive contre l'enseignement supérieur aux Etats-Unis, accusant les universités privées les plus prestigieuses, notamment Harvard et Columbia, d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme et de n'avoir pas protégé suffisamment les étudiants juifs pendant les manifestations contre la guerre d'Israël à Gaza, lancée après les attaques du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023.

Le mandat du prédécesseur de M. Trump, Joe Biden, avait été marqué par l'évacuation par la force du campus de Columbia, occupé par des militants propalestiniens, ou par le scandale des déclarations de l'ancienne présidente de Harvard, Claudine Gay.En décembre 2023, elle avait répondu à la question de savoir si "appeler au génocide des Juifs violait le règlement sur le harcèlement de Harvard", en disant: "Cela peut, en fonction du contexte".

Jeudi, un juge fédéral a ordonné la suspension à l'échelle nationale de toute révocation du statut légal des étudiants internationaux.Il n'est cependant pas immédiatement possible de savoir si cette décision pourrait avoir des conséquences pour ceux inscrits à Harvard, puisque la mise en demeur de Mme Noem impose des obligations à Harvard et ne concerne pas directement les étudiants. 

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