Violences scolaires: la commission d'enquête ausculte les dessous de l'inspection sur Stanislas

Paris (AFP) - Entrée dans sa dernière ligne droite, la commission parlementaire sur les violences scolaires, née de l'affaire Bétharram, s'est penchée mercredi sur les conclusions critiquées du rapport consacré au prestigieux collège Stanislas en questionnant le rôle de l'actuelle numéro deux de l'Education nationale.
Trois mois après sa création, la très active commission d'enquête sur les modalités du contrôle par l'Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, présidée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi, doit mener sa dernière audition à 16H30: celle de la ministre de l'Education Elisabeth Borne.
Mais auparavant les députés membres de la commission emmenés par les corapporteurs, l'élue Renaissance Violette Spillebout et le LFI Paul Vannier ont entendu les inspecteurs généraux chargés de l'enquête administrative de 2023 sur l'établissement privé parisien Stanislas.
Cette enquête de l'Inspection générale de l'Education (IGESR) avait été commandée en février 2023 par Pap Ndiaye après des accusations de dérives homophobes et sexistes visant cet établissement huppé, relayées dans la presse.Le rapport, rendu en juillet 2023, avait été dévoilé par Mediapart en janvier 2024.
Or deux ex-inspectrices ont récemment jugé que la lettre de synthèse accompagnant le document avait minimisé les faits reprochés à la prestigieuse institution privée catholique.
Mercredi matin sous serment, deux membres de l'équipe chargée de l'enquête administrative ont confirmé que la lettre de transmission conclusive de la mission à destination du ministre avait fait l'objet d'un "ajout" en l'occurrence par la cheffe de l'inspection générale de l'époque devenue la numéro deux de l'Education nationale, Caroline Pascal.
Les quatre membres de cette inspection, dont la commission a pu mesurer le degré de dissensions pendant l'enquête sur Stanislas, certains évoquant des "tensions", ont devant les députés fait état de leurs divergences sur les conséquences d'un tel ajout.
Si le coréférent de l'inspection juge qu'il n'y a pas eu "dénaturation", les deux ex-inspectrices sont plus sévères, l'une d'elle évoquant des faits "très graves".
"Quand on agit comme ça et là on ne pense pas aux enfants et c'est desservir le travail des collègues", a mis en avant Annie Dyckmans, qui s'est rappelée la "terreur" de certains témoins lors des auditions.
"C'est un paragraphe décisif car il blanchit l'établissement", a commenté Paul Vannier.
-140 auditionnés-
Auditionnée mercredi après-midi, Mme Borne, actuelle locataire de la rue de Grenelle, devrait revenir sur le plan "Brisons le silence" qu'elle a mis en place mi-mars pour "libérer la parole" et mieux contrôler les établissements catholiques sous contrat avec l'Etat, qui échappaient jusqu'à présent quasi totalement à sa supervision.
Ce plan prévoit notamment des questionnaires pour les voyages scolaires ou les élèves internes, ainsi qu'une augmentation du nombre d'inspecteurs dédiés au privé sous contrat.
Mme Borne devra également "éclairer la commission d’enquête sur le rapport de l’Etat aux établissements privés sous contrat", a indiqué M. Vannier à l'AFP.
Les deux corapporteurs travailleront ensuite sur leur rapport promis pour fin juin, après avoir auditionné 140 personnes pendant plus de 55 heures au total.
Se sont ainsi succédés devant la commission le Premier ministre François Bayrou (pendant un marathon de cinq heures trente), des victimes de violences au premier rang desquels Alain Esquerre, fondateur d'une association de victimes de Bétharram à l'origine de multiples révélations ailleurs en France.
Ont également témoigné des enseignants, chefs d'établissements ou inspecteurs de l'Education nationale, notamment celui qui a produit un rapport ayant exonéré en 1996 Bétharram, ainsi que d'anciens ministres de l'Education comme Pap Ndiaye, Jean-Michel Blanquer ou Nicole Belloubet.
Au coeur de l'actualité politique la semaine dernière avec l'audition de François Bayrou, la commission d'enquête parlementaire n'a pas été exempte de controverses.
Le Premier ministre a accusé en particulier Paul Vannnier de "malhonnêteté" et d'instrumentaliser le travail de la commission pour pousser à sa démission.
Le député LFI a, lui, régulièrement accusé François Bayrou d'avoir menti sur ce qu'il savait sur l'affaire Bétharram, désormais appelé Le Beau Rameau.
L'établissement du Béarn, où ont été scolarisés plusieurs enfants du chef du gouvernement et ex-ministre de l'Education, et où sa femme a enseigné le cathéchisme, est visé par plus de 200 plaintes pour des violences physiques et sexuelles.