Une Pussy Riot de retour en cellule... pour alerter sur la progression de l'autoritarisme

Los Angeles (États-Unis) (AFP) - Nadya Tolokonnikova, cofondatrice du collectif russe Pussy Riot, retourne en cellule mais cette fois volontairement, pour alerter sur la progression de l'autoritarisme, dans le cadre de l'exposition "Police State" ("Etat policier"), qui a ouvert jeudi au Musée d'art contemporain de Los Angeles.
La jeune femme avait passé deux ans dans une colonie pénitentiaire en Russie pour avoir chanté une "prière punk" dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, il y a plus de dix ans.Elle sait donc de quoi elle parle et cherche maintenant à présenter aux spectateurs les conséquences de ce qu'elle considère comme l'émergence d'une nouvelle forme de contrôle, grâce à des outils technologiques.
"Les gens ne prennent pas l'autoritarisme au sérieux", déclare Mme Tolokonnikova à l'AFP.Assise dans une cellule qui rappelle une prison russe classique, portant une tenue de sport verte qui ressemble à un uniforme de prison, la jeune femme, qui se dit malicieusement âgée "de peut-être 35 ans", estime que "l'État policier étend ses frontières".
"En tant que personne ayant vécu sous un régime autoritaire pendant plus de 25 ans, je sais maintenant à quel point c'est réel et comment cela commence, étape par étape, par l'arrestation d'une personne.Vous vous dites: +Bon, ce n'est pas moi+.Et quand finalement vous réagissez, tout le pays est sous la botte des militaires."
- "Tous nous mobiliser" -
Nadya Tolokonnikova souligne qu'aux Etats-Unis, depuis le retour au pouvoir de Donald Trump "cette érosion de l'équilibre des pouvoirs, qui consiste à envoyer des gens en prison sans procès, est très dangereuse".
En réponse, elle estime que la communauté artistique, et la société en général, devraient davantage s'élever contre les abus de pouvoir, et ne pas laisser seulement des personnalités de premier plan protester.
"J'ai l'impression que c'est comme si quelqu'un d'autre devait venir nous sauver de tout.Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, nous devons tous nous mobiliser."
Tous les jours, jusqu'au 14 juin, elle passera ses journées dans cette cellule.Pas de pauses toilettes, pas de pause repas, tout se passera dans ces quelques mètres carrés, jusqu'à la fermeture du musée le soir.
Certains visiteurs de l'exposition sont d'accord pour dire que la société est trop passive: "J'ai l'impression que les Américains ne veulent pas croire que nous pourrions être en danger de perdre nos libertés", estime ainsi Jimmie Akin, une graphiste préoccupée par les changements instillés par Donald Trump."Il faut que les gens se réveillent."
- Machine à coudre et Navalny -
Pour Hannah Tyler, 29 ans, l'exposition est un véritable choc: "On vit dans un pays où nous ne sommes pas confrontés à la même oppression extrême qu'elle en Russie, mais nous nous en approchons.Cela va me pousser à faire plus que ce que j'ai fait jusqu'à présent", déclare-t-elle.
Nadya Tolokonnikova a conçu sa prison artistique avec des éléments symboliques: des livres et des œuvres d'art produits par des détenus, un dessin du frère de l'opposant russe Alexei Navalny, décédé en détention l'an dernier, et une machine à coudre qui évoque le travail manuel dans les prisons russes.Sans oublier des mots de protestation gravés sur les murs.
Enfermée dans sa cellule durant des heures, l'artiste peut être vue sous tous les angles à travers des trous dans les murs et des caméras de surveillance, dans une représentation de ce que signifie d'être observé en permanence.
"L'exposition met en évidence le fait que les problèmes de surveillance et d'ingérence des gouvernements sont de plus en plus répandus dans le monde", souligne Alex Sloane, commissaire de l'exposition.Pour lui, le scénario actuel exigeait "d'urgence" ce type de manifestation."Les libertés sont en danger.Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela n'arrive jamais."