Une compagnie péruvienne d'acteurs trisomiques fait tomber les barrières

Londres (AFP) - Ils veulent briser "préjugés et barrières".Cristina León, Jaime Cruz et Manuel García font partie d'une troupe péruvienne d'acteurs trisomiques parcourant les scènes mondiales, actuellement à Londres pour jouer "Hamlet" de William Shakespeare.
"Cette pièce montre qu'il est possible de nous inclure partout, au travail, dans les études.Qu'il n'y a pas de barrières, que nous pouvons faire beaucoup de choses, que les gens doivent ouvrir les yeux sur le fait que nous pouvons faire ce qu'ils nous demandent", déclare Cristina León, 32 ans, à l'AFP.
Le projet de création de cette compagnie d'acteurs trisomiques, qui se produit au Barbican à Londres du 24 au 27 avril, est né il y a sept ans de la détermination de Jaime Cruz à devenir acteur.
M. Cruz, 30 ans, travaillait comme ouvreur au Teatro La Plaza à Lima et n'a jamais considéré sa trisomie 21 comme un obstacle.
"J'ai toujours voulu être acteur.Un jour, lors d'un événement interne (au Teatro La Plaza) dans lequel il fallait se présenter, j'ai dit mon nom et j'ai dit que j'étais acteur", raconte le jeune homme, désireux de briser "les préjugés, les mythes, les barrières".
Chela de Ferrari, directrice artistique du Teatro La Plaza, et responsable de l'adaptation de Hamlet que les huit acteurs jouent dans la patrie de Shakespeare, a été frappée par ce premier contact avec Jaime.
"Il a attiré mon attention, je me suis dit qu'il fallait avoir une discussion plus approfondie avec lui", explique-t-elle à l'AFP.
"Nous sommes allés dans un café.Et pendant que nous parlions, j'ai eu une vision de lui avec la couronne du prince et j'ai pensé à la valeur que Jaime pourrait donner aux célèbres mots d'Hamlet, +Etre ou ne pas être+", se souvient-elle.
- "Forme de résistance" -
Un casting a ensuite été organisé, à l'issue duquel ont été choisis les sept autres acteurs composant la compagnie.
"Jaime m'a confrontée à mes préjugés, à ma profonde ignorance de ce qu'est sa réalité.Je pense que ce qui se passe avec le public est un miroir de ce qui m'est arrivé", affirme Chela de Ferrari.
Il y a trois ans, les acteurs ont reçu une première proposition pour se produire en Espagne.Depuis, ils tournent dans le monde entier.
"Je ne crois pas que ce soit la seule pièce avec des personnes trisomiques, mais je ne pense pas que d'autres troupes aient autant voyagé", dit-elle.
La tournée de cette année, outre Londres et Brighton en Angleterre, comprend 35 villes, de Séoul à Melbourne (Australie), en passant par Toronto (Canada) et New York et Chicago aux États-Unis.
Les cinq acteurs et trois actrices péruviens jouent la pièce en espagnol, accompagnée de sous-titres lorsque le public n'est pas hispanophone.
Pour Manuel García, 32 ans, ce travail est une forme de revendication."Dans la société actuelle tout le monde nous met des barrières, des limites.On nous dit tout le temps que nous ne pouvons pas faire les choses", déplore-t-il.
"Avec ce que nous voyons dans le monde, les attaques contre certaines valeurs, comme la diversité, l'équité et l'inclusion, c'est un bon moment pour présenter ces projets, c'est aussi une forme de résistance", renchérit Mme de Ferrari.
"Au lieu de rejeter des gens qui ont des problèmes de diction ou de bégaiement, nous accueillons cette diversité", conclut-elle avec fierté.