Réduire l’empreinte carbone de l’élevage : un défi crucial pour l’agriculture française

L’élevage en France génère une part importante des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. Face aux enjeux climatiques et environnementaux croissants, la réduction de son impact carbone apparaît comme une nécessité pressante.
Tl;dr
- Élevage : principal responsable des émissions agricoles françaises.
- Rachat de terres plus efficace qu’une taxe sur la viande.
- Bénéfices climatiques, biodiversité et bien-être animal à concilier.
Une pression climatique majeure de l’élevage en France
En France, l’agriculture se positionne comme le second secteur émetteur de gaz à effet de serre, représentant environ 20 % des émissions nationales. Dans ce tableau, l’élevage, notamment celui des ruminants, pèse lourd : il mobilise près de la moitié des surfaces agricoles et engendre près de 60 % des émissions du secteur. Ce constat est d’autant plus marquant que les émissions agricoles se composent essentiellement de méthane (56 %) provenant de la fermentation entérique, et de protoxyde d’azote (29 %) issu pour partie des effluents d’élevage.
Les surfaces utilisées par l’élevage sont cruciales. Plus de la moitié des terres agricoles servent aujourd’hui à nourrir les animaux ou sont converties en prairies. Cette occupation foncière freine les capacités naturelles de stockage du carbone par les sols et la biomasse aérienne, pourtant essentielles dans la lutte contre le changement climatique.
Coût d’opportunité carbone et alternatives techniques
Un enjeu central réside donc dans ce que les économistes nomment le coût d’opportunité carbone (COC). Lorsque les activités d’élevage diminuent, des terres peuvent être libérées pour la régénération naturelle – principalement via le reboisement – permettant ainsi une séquestration accrue du carbone atmosphérique. Fait notable : une forêt stocke presque deux fois plus de carbone qu’une prairie sur un même site.
Les options pour réduire l’empreinte climatique bovine ne manquent pas. Outre une baisse pure et simple de la production, certaines innovations techniques s’offrent aux éleveurs : compléter davantage l’alimentation des animaux par des concentrés (blé, orge) réduit les émissions directes grâce à une croissance animale accélérée et moins d’émissions de méthane. Cette stratégie permet aussi d’utiliser moins de terres par kilogramme produit.
Réserves naturelles : un levier efficace face à la taxe carbone
Face au dilemme politique et technique que représente l’instauration d’une taxe carbone sur l’élevage, racheter des terres agricoles pour en faire des réserves naturelles émerge comme une solution pragmatique. L’exemple danois – 250 000 hectares voués au reboisement d’ici 2045 – illustre cette orientation. Une telle politique en France permettrait :
- Diminution de la consommation de viande (-14 %).
- Mise en réserve significative : 1 million d’hectares potentiels.
- Bilan sectoriel négatif : -3 millions de tonnes CO₂eq/an.
Cette approche se distingue par ses effets bénéfiques directs sur la séquestration du carbone et l’adoption de pratiques agricoles moins émissives, tout en restant plus consensuelle politiquement qu’une fiscalité punitive.
À quelles conditions réussir ? Biodiversité, importations et dialogue
Toutefois, réduire l’élevage en France n’est pas sans risque : on craint une « délocalisation » de la pollution via un accroissement des importations étrangères. D’où l’intérêt possible d’« ajustements aux frontières », mais leur mise en œuvre demeure complexe au niveau européen.
Au-delà du climat, ces politiques doivent veiller à préserver la biodiversité, éviter les plantations mono-espèces et garantir le respect du bien-être animal lors des phases intensifiées d’engraissement. Un tel virage implique une concertation étroite avec tous les acteurs du secteur agricole afin d’assurer son acceptabilité sociale et sa réussite durable.
Ce dossier a été réalisé avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR).