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Proche-Orient: à Paris, une soirée de dialogue entre juifs et musulmans

Proche-Orient: à Paris, une soirée de dialogue entre juifs et musulmans
Publié le , mis à jour le

Paris (AFP) - A l'heure de l'iftar, la rupture du jeûne du ramadan, des personnes de confessions musulmane et juive se retrouvent devant un buffet israélo-palestinien à Paris, prémice d'une soirée de dialogue sous l'égide de l'association "Nous réconcilier".

Assis dans la salle des mariages de la mairie du 3e arrondissement de la capitale, Abdelkader (prénom modifié) savoure caviar d'aubergine et houmous."En ces temps difficiles, c'est bien d'apaiser les tensions entre les communautés", estime ce trentenaire de confession musulmane. 

"Moi je viens en tant que juive.Je suis extrêmement attachée à vivre avec les autres", dit une quinquagénaire.

"Pour ne pas nourrir ici le conflit au Proche-Orient": derrière ce mot d'ordre, l'association "Nous réconcilier", créée il y a moins d'un an, entend rapprocher les deux communautés en France, déchirées par les traumatismes des massacres du 7 octobre 2023 en Israël et de la guerre dévastatrice dans la bande de Gaza.

"On a été un certain nombre à se sentir très seuls" face à ces divisions, explique à l'AFP la co-fondatrice Violette Nahmias, femme juive de 40 ans.

Devant la petite centaine de personnes - des juifs, des musulmans, des athées notamment - rassemblées lundi pour cette troisième soirée "Nous réconcilier", cette économiste de profession rappelle les règles: "On essaye de parler de soi, en partant de soi, de parler en +je+". 

Trois "cercles de dialogue" sont formés, animés par des médiateurs qui préviennent: "Il y aura peut-être des choses qui seront dites qui vont choquer". 

Premier thème: "Quelle est la chose la plus importante que j'ai à dire au sujet d'Israël-Palestine?".

Silence.Emotion sur les visages.Les participants griffonnent quelques mots."Paix" et "injustice" reviennent souvent.

- "Déchirure" -  

"J’ai écrit +l'urgence de la paix+.Et que personne ne partira de cette terre (...) on est condamnés à vivre ensemble", dit une jeune femme "juive arabe", émue aux larmes."J'ai tous mes amis qui sont très pro-palestiniens et ma famille qui est très pro-israélienne.Donc ça a été une déchirure."

"Culpabilité", dit une autre, dont la mère est née en Israël. 

Une femme, qui a de la famille en Israël, se dit "un peu plus apaisée" depuis sa venue à la précédente rencontre."Je garde beaucoup de colère contre le gouvernement israélien", ajoute-t-elle.      

"Le sionisme, c'est un poison, c'est comme l'islamisme ou le nazisme", lance un jeune musulman. 

Mouvement politique apparu à la fin du XIXe siècle dans la diaspora européenne, le sionisme entendait doter les juifs d'une patrie sur les terres de l'ancien royaume d'Israël dans ce qui est alors la Palestine sous domination ottomane.

"Je pense que le sionisme de première vague, c'était un sionisme de protection, de survivance", lui répond une femme juive. 

S'ensuit un long débat qui, sur les réseaux sociaux ou les plateaux de télévision, aurait tourné à la foire d'empoigne.Pas ici.

"Quand tu dis que le sionisme, c'est un poison, ça me blesse vachement", répond une dame. 

Un jeune homme raconte que le sionisme, là où il a grandi, était perçu comme "quelque chose de négatif", "contre le peuple musulman". 

"J'en ai un peu marre que quand je parle d'actes antisémites que j'ai pu vivre, on me réponde Israël", exprime pour sa part une jeune femme. 

"Je n'ai jamais pensé qu'on pourrait à nouveau avoir peur d'être juif en Europe", lance une dame plus âgée. 

"Depuis peu, nous aussi on a peur", lui répond une jeune musulmane, "je trouve ça tellement triste...".Et de remarquer: "On n'a pas dit le mot génocide". 

- "Ensemble" -

Après un peu plus d'une heure d'un débat apaisé, dernier tour de parole.Le jeune homme qui avait qualifié le sionisme de "poison" évoque son envie nouvelle de creuser ces sujets par "curiosité".

"Notre objectif, c'est d'être en désaccord, mais ensemble", résume Bruno Nahon, producteur de cinéma et co-fondateur de "Nous réconcilier".

"Dès le départ, il y a de l'empathie, du respect pour la souffrance de l'autre", renchérit Idir Serghine, réalisateur "français d'origine algérienne" et autre co-fondateur.

Présent dès la première rencontre en juillet, le Franco-Palestinien Radjaa Abou Dagga, un quinquagénaire originaire de Gaza, dit avoir perdu dans cette guerre "187 membres de (s)a famille"."Pourtant, je tends la main" car "la paix se fera par le dialogue."

La soirée se termine.Séverine Ouaki, femme juive de 50 ans, se sent "lessivée", mais satisfaite de ce dialogue, regrettant néanmoins un "déséquilibre communautaire", les personnes de confession musulmane étant moins nombreuses. 

Très émue pendant l'échange, Eva (prénom modifié), 27 ans, affiche désormais un grand sourire."Après le désespoir, c’est l'élan de vie."

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