La Cour suprême américaine paraît prête à autoriser une école religieuse sous contrat

Washington (AFP) - La majorité conservatrice de la Cour suprême américaine a paru lors d'une audience mercredi encline à autoriser pour la première fois une école religieuse à gestion privée bénéficiant de financements publics, une décision qui minerait encore le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Cette affaire est potentiellement lourde de conséquences pour des millions de familles, la quasi totalité des 50 Etats américains autorisant les "charter schools", des écoles à gestion privée sous contrat à financement public.
Mais pour la première fois, en 2023, les autorités scolaires de l'Oklahoma, dans le sud conservateur, ont autorisé une "charter school" administrée par un culte, en l'occurrence l'Eglise catholique.
Cet établissement prodiguant des cours en ligne, baptisé Saint Isidore de Séville, n'a encore jamais fonctionné.La Cour suprême de l'Oklahoma, saisie par le procureur général républicain de l'Etat, Gentner Drummond, a en effet considéré que sa création violait la Constitution américaine ainsi que celle de l'Etat.
Le Premier amendement de la Constitution américaine prohibe notamment l'établissement d'une religion nationale ou la prééminence d'une religion sur une autre.
Mais les plaignants, représentés par la très conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), font valoir que l'exclusion des écoles confessionnelles du système de financement public des "charter schools" contrevient à une autre clause du Premier amendement, celle qui garantit la liberté de culte.
- "Statut de deuxième classe" -
Les débats ont largement porté sur la nature publique ou privée de ces établissements, eu égard à leur financement, et en conséquence sur les obligations que peuvent leur imposer les Etats.
La plupart des juges conservateurs de la Cour se sont montrés réceptifs aux arguments des plaignants, soutenus par l'administration Trump.
"Nos décisions ont établi clairement qu'on ne pouvait pas traiter les personnes croyantes, les institutions et le discours religieux comme relevant d'un statut de deuxième classe aux Etats-Unis, face à des programmes ouverts à tous", a ainsi déclaré l'un d'entre eux, Brett Kavanaugh.
Mais sa collègue Sonia Sotomayor, l'une des trois magistrates progressistes, a objecté aux plaignants que leur position vidait de sa substance la clause prohibant l'établissement d'une religion, selon laquelle "nous n'allons pas payer des dirigeants religieux pour enseigner leur religion".
- "Incertitude et confusion" -
Une décision de la Cour en faveur de Saint Isidore "aboutirait non seulement à la création de la première école publique religieuse du pays", a mis en garde l'avocat de l'Oklahoma, Gregory Garre, mais "rendrait aussi inconstitutionnel le programme fédéral d'écoles sous contrat et les lois sur les "charter schools" dans 47 Etats".
Cela générerait "de l'incertitude, de la confusion et un bouleversement pour potentiellement des millions d'élèves et de parents à travers le pays", a-t-il insisté.
La majorité conservatrice de la Cour, soit six juges sur neuf, s'est montrée ces dernières années favorable à une extension de la place de la religion dans l'espace public, notamment dans le domaine de l'éducation.
En 2022, elle a ainsi obligé l'Etat du Maine (nord-est) à inclure les écoles confessionnelles dans un dispositif de subventions publiques, jugeant leur exclusion "discriminatoire envers la religion".
La majorité conservatrice avait également la même année invalidé le licenciement par les autorités scolaires d'un entraîneur de football américain de la région de Seattle (nord-ouest) qui priait sur les terrains.
La décision de la Cour, attendue d'ici le terme de la session actuelle, fin juin, pourrait dépendre de la voix de son président, John Roberts.
Elle sera prise par seulement huit des neuf juges, la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett s'étant récusée de ce dossier, vraisemblablement en raison de ses liens avec certains juristes défendant la création d'écoles religieuses sous contrat.
En cas d'égalité, l'interdiction prononcée par la Cour suprême de l'Oklahoma resterait en vigueur.