La communauté chinoise au Texas dénonce une loi "raciste" sur la propriété foncière

Austin (États-Unis) (AFP) - Légitime préoccupation pour la sécurité nationale ou racisme à peine déguisé?La réponse est évidente pour la communauté chinoise du Texas, ulcérée par une proposition de loi visant à interdire l'acquisition de propriétés foncières aux ressortissants de pays "hostiles".
Après une première tentative infructueuse en 2023, une élue républicaine du Sénat du Texas, Lois Kolkhorst, a représenté son texte de loi, surfant sur la bataille douanière engagée par le président Donald Trump avec la Chine et de sa politique anti-immigration.
La proposition de loi vise à la fois les gouvernements et les citoyens chinois, russes, nord-coréens et iraniens, mais un amendement introduit lors du débat parlementaire permettrait au gouverneur républicain de cet Etat du Sud, Greg Abbott, grand allié de Donald Trump, de l'élargir à d'autres pays.
"Cette loi garantira que des pays hostiles ne contrôlent pas les ressources les plus précieuses du Texas.C'est une question de sécurité nationale", a affirmé la sénatrice dans un communiqué en mars.
Il s'agit de s'assurer qu'"elles ne tombent pas entre les mains de pays agressifs et de régimes oppressifs qui nous veulent du mal", a renchéri l'élu républicain Cole Hefner jeudi devant la Chambre des représentants du Texas.
Mais le texte a suscité l'indignation de la communauté asiatique, dont des centaines de membres ont manifesté samedi devant le Congrès de l'État et la résidence du gouverneur à Austin, portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "le logement est un droit humain" ou encore "halte à la discrimination".
La loi épargne les résidents permanents, titulaires de la fameuse "carte verte", "mais le problème est que vous ne pouvez ni obtenir la carte verte ni acquérir la nationalité américaine si vous ne pouvez pas prouver que vous pouvez vivre ici de manière permanente", explique l'élu démocrate Gene Wu.
"Vous devez prouver votre capacité à acheter une maison", ajoute-t-il, ce que la loi leur interdira désormais.
"Qu'est-ce que cela a à voir avec la sécurité nationale?", s'interroge Gene Wu."Cela a tout à voir avec le rejet de l'idée que les Asiatiques réussissent" socialement, selon lui.
- "C'est notre pays aussi" -
En 2023, selon les données du recensement américain, les Asiatiques représentaient environ 6% de population texane - 1,7 million de personnes sur 31,3 millions, mais représentaient le groupe en plus forte augmentation dans l'Etat.
"Si vous rédigez une loi ciblant certaines personnes à cause de leur origine, du pays d'où elles viennent, c'est du racisme.C'est un texte raciste", estime également Alice Yi, cofondatrice de l'association des Texans asiatiques pour la justice.
"Nous construisons le Texas, nous construisons l'Amérique.C'est notre pays aussi", souligne-t-elle.
Une des motivations initiales du texte était le projet en 2021 d'un ancien officier de l'armée chinoise, Sun Guangxin, d'acquérir 56.000 hectares près d'une base aérienne au Texas, pour y construire un parc solaire et éolien.L'Etat avait bloqué ce projet, notamment en raison des liens supposés de cet investisseur avec le Parti communiste chinois.
La question de la propriété étrangère, en particulier chinoise, de terres et de biens immobiliers américains est devenue sensible.Une dizaine d'autres Etats envisagent de légiférer dans ce domaine.
Mais Eileen Huang, de la Texas Multicultural Advocacy Coalition, déplore que les ressortissants étrangers soient ainsi assimilés d'office au gouvernement de leur pays alors que bien souvent ils l'ont quitté par opposition au régime en place.
"Tout le monde n'est pas un espion", rappelle-t-elle."Beaucoup de gens fuient leur pays d'origine pour venir ici.Pourquoi?Parce qu'ils ne sont pas d'accord" avec les autorités de leur Etat de naissance.