François Bayrou a-t-il raison de voir en mai un mois de fainéants ?

François Bayrou a récemment évoqué l’idée que le mois de mai serait particulièrement propice à la paresse en France, en raison des nombreux jours fériés. Cette affirmation soulève la question du réel impact de cette période sur l’activité nationale.
Tl;dr
- Le mois de mai, accusé d’affaiblir la productivité.
- Impact économique réel mais débat sur la répartition des congés.
- Mai reste essentiel pour le tourisme et les salariés.
Mai, le mois de tous les procès
Chaque printemps, le calendrier s’enflamme : voilà que le mois de mai se retrouve au banc des accusés. Sa réputation de « gruyère », alternant jours fériés et week-ends prolongés, irrite au plus haut point certains responsables politiques.
Ainsi, François Bayrou n’a pas caché son agacement lorsque le Premier ministre, évoquant la préparation du Budget, a suggéré une suppression du 8-Mai parmi les jours fériés. Son argument : ce mois serait devenu un festival de ponts et de viaducs, avec à la clé une chute de la productivité nationale.
Ponts, viaducs et économie chancelante ?
Les chiffres viennent parfois appuyer cette analyse. Selon l’Insee, le chiffre d’affaires des entreprises enregistre traditionnellement en mai une baisse de 2 à 3 % en moyenne. L’économiste Philippe Crevel estime que l’accumulation des jours fériés à cette période entraîne une diminution d’activité de -0,3 à -0,4 % par rapport à un mois « normal ».
Le coût global se chiffrerait entre 4 et 6 milliards d’euros uniquement pour ces jours chômés, tandis que chaque jour férié en mai ferait perdre environ 0,06 point de PIB, d’après l’OFCE. Mais ces statistiques reflètent-elles toute la réalité ?
Pont ou mirage ? Les réalités du terrain
Certains experts appellent à relativiser ce procès. Pour Caroline Diard, professeure associée à la Toulouse Business School Education, il faut cesser de blâmer systématiquement le mois de mai. Elle rappelle que la France ne compte que onze jours fériés annuels – une moyenne européenne – et que les entreprises peuvent choisir d’ouvrir ou non lors de ces dates (hors 1er-Mai). D’ailleurs, dans des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration ou les loisirs, mai est synonyme d’activité intense.
Il faut également nuancer le tableau noir dessiné par certains :
- Certaines professions voient leur charge augmenter pendant ces périodes.
- L’essentiel des congés posés en mai résulte souvent du besoin d’écouler les reliquats avant le 31.
- L’économie touristique profite largement des déplacements printaniers.
L’indispensable respiration du printemps français
En définitive, si le mois de mai semble offrir quelques « vacances avant l’heure », supprimer des ponts aurait un intérêt limité pour la création de richesse. Comme l’observe Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail : « Ce n’est pas une insulte faite au monde du travail… Les Français tiennent surtout aux vacances aux beaux jours ; qu’on supprime un pont ou pas, ils partiront quand même. » Mai demeure donc bien plus qu’une anomalie dans notre calendrier : il s’agit d’un équilibre subtil entre pause collective et dynamisme économique – délicat à bousculer sans ébranler tout un art national du temps libre.
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