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En Corée du Sud, les mariages de masse Moon résistent aux revers judiciaires au Japon

En Corée du Sud, les mariages de masse Moon résistent aux revers judiciaires au Japon
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Gapyeong (Corée du Sud) (AFP) - Ils ont été qualifiés de secte, accusés d'extorsion et leur organisation a été dissoute au Japon.Mais dans une bourgade de montagne de Corée du Sud, des milliers de "Moonies" se sont rassemblés ce mois-ci pour un mariage de masse.

Dans l'imposant siège de l'Eglise de l'Unification à Gapyeong, à une cinquantaine de kilomètres de Séoul, 1.300 couples venus de dizaines de pays se sont passés la bague au doigt sous la supervision de leur leader, qu'ils appellent "sainte mère" ou "fille unique de Dieu".

Cette tradition spectaculaire, qui remonte à 1961, fait partie intégrante des convictions néo-chrétiennes de l'Eglise, fondée en 1954 par Moon Sun-myung et désormais dirigée par sa veuve Han Hak-ja.

L'Eglise soutient que ces mariages de masse peuvent contribuer à inverser le triste taux de natalité de la Corée du Sud, renforcer les valeurs familiales et, en fin de compte, réaliser l'objectif de Moon, qui est d'achever la mission de Jésus pour restaurer l'humanité dans un état de pureté "sans péché".

"Je suis tout simplement très reconnaissant", affirme à l'AFP pendant la cérémonie Emmanuel Muyongo, un Américain de 29 ans qui vient d'épouser une Japonaise. "Nous t'aimons, Sainte mère!" hurlent les couples à l'unisson au moment où démarre une fanfare bruyante accompagnée de canons à confettis.

Han Hak-ja, 82 ans, lunettes de soleil et robe verte, fait preuve d'un calme presque étrange tout au long des festivités, se contentant de saluer lentement de la main ses disciples surexcités.

- Empire tentaculaire -

L'Eglise de l'Unification revendique trois millions d'adeptes dans le monde, dont 300.000 en Corée du Sud et 600.000 au Japon. 

Elle contrôle un empire économique tentaculaire dans la construction, l'hôtellerie, l'éducation et les médias.

Mais au Japon, l'Eglise a été accusée de pratiquer l'extorsion.L'affaire a pris de l'ampleur avec l'assassinat en 2022 de l'ancien Premier ministre Shinzo Abe par un homme qui lui reprochait d'avoir des liens avec le groupe religieux.

Shinzo Abe -- ainsi que d'autres dirigeants mondiaux, dont le président américain Donald Trump -- avait envoyé des messages vidéo diffusés par l'Eglise lors de ses événements publics.Son assassin, Tetsuya Yamagami, vivait dans la détestation du groupe, à qui sa mère avait donné tout le patrimoine familial.

Le 25 mars, un tribunal de Tokyo a ordonné sa dissolution, l'accusant d'avoir causé des "dommages sans précédent" à la société japonaise.L'Eglise a fait appel.

L'Eglise de l'Unification a des ramifications partout en Corée du Sud: un grand journal, une station de ski haut de gamme utilisée pour les Jeux olympiques d'hiver de 2018 à Pyeongchang, des instituts artistiques réputés...

En 1991, Han Hak-ja avait accompagné son mari - vénéré comme un messie par ses adeptes mais rejeté comme un charlatan par ses détracteurs - lors d'un voyage en Corée du Nord pour rencontrer le fondateur du pays, Kim Il Sung, afin de discuter de la réunification de la péninsule divisée. 

A la mort de Moon en 2012, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avait envoyé à sa veuve un message personnel de condoléances et lui avait offert deux chiens nord-coréens pungsan pour la consoler.

- Financements japonais -

Selon les experts, le Japon, qui a colonisé la Corée entre 1910 et 1945, est depuis longtemps une manne financière pour la secte. 

"Les entreprises religieuses comme l'Eglise de l'Unification ciblent des individus isolés de la classe moyenne inférieure", explique à l'AFP Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo."Leur terrain de chasse n'est pas en Corée du Sud, mais plutôt au Japon".

Depuis les années 1960, l'Eglise a généré près de 80% de ses revenus au Japon, estime Levi McLaughlin, un professeur d'études religieuses à l'Université d'Etat de Caroline du Nord, aux Etats-Unis. 

L'Eglise joue un rôle d'entremetteur pour les couples.Les femmes japonaises sont invitées à "expier" le passé colonial de leur pays et les mariages de masse, souvent avec des hommes coréens, sont conçus comme une forme d'"indemnisation" pour l'occupation brutale de la Corée.

Samedi à Gapyeong, les centaines de couples vêtus de robes blanches quasi identiques ont essuyé leurs larmes, se sont serrés la main, ont dansé et pris des selfies, sans se soucier des démêlés judiciaires de leur organisation dans le pays voisin.

Ces mariages sont d'abord "du bonheur et de l'amour, mais il semble que ceux qui ne le comprennent pas bien l'interprètent mal et n'en voient que les aspects négatifs", se plaint à l'AFP Remi Kosuga, 27 ans, l'une des mariées japonaises."Nous voulons simplement croire en l'amour".

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