Dans le nord de la Grèce, marcher pieds nus sur les braises

Serrès (Grèce) (AFP) - Sous un nuage de fumée d'encens et au rythme de la musique de la région de Macédoine, dans le nord de la Grèce, hommes et femmes se balancent lentement avant de retirer leurs chaussures et de se précipiter, pieds nus, sur des braises.
Le rite de la marche sur les braises, le jour de la fête orthodoxe de Saint-Constantin et de Sainte-Hélène, revit depuis plus de cent ans dans quatre villages de cette région frontalière de la Bulgarie.
Chaque année, ce rite appelé "Anastenaria" ("soupirs" en grec) et célébré le 21 mai, attire de nombreux visiteurs.
Considérée comme un rituel païen pour honorer les dieux antiques grecs Dionysos et Artemis, la coutume avait jadis été interdite par la puissante Eglise orthodoxe grecque.Mais, depuis plusieurs décennies, la tolérance l'emporte.
"Ceux qui marchent sur le feu n'aiment pas en parler trop", explique à l'AFP Sotiris Tzivelis, 86 ans, qui se souvient de la coutume depuis son enfance dans le village d'Agia Eleni (Sainte-Hélène, NDLR), dans le département de Serres.
"A l'époque, quand quelqu'un tombait malade, on appelait les "anastenarides" (les pratiquants du rite, NDLR) pour aider à le guérir", poursuit-il.
La famille qui demandait de l'aide fabriquait un mouchoir, le symbole d'une main.
C'est ce mouchoir que le chef de cérémonie, Babis Theodorakis, donne aux participants pour marquer le coup d'envoi du rituel dans le "konaki" : une chambre décorée des icônes orthodoxes et où les participants se préparent en dansant au son de la lyre et du tambour.
Ensuite, ils se dirigent dans une prairie proche et forment un cercle autour des charbons ardents.
"Je n'ai jamais marché sur le feu mais, chaque année, je donne le mouchoir de notre famille aux danseurs avant de le récupérer à la fin du rituel", confie Sotiris Tzivelis.
- Rituel païen -
Selon la tradition grecque, le rite est originaire de Kosti et Brodivo, deux villages du sud-est de la Bulgarie, où vivaient des communautés grecques avant d'émigrer en Grèce au début du XXe siècle avec l'éclatement de l'empire ottoman.
"Comment marcher sur le feu sans se brûler, je ne peux pas vous l'expliquer !", avoue Babis Theodorakis, le chef de cérémonie.
Pour Apostolis Vlaspos, 65 ans qui pratique ce rite depuis 20 ans, "c'est quelque chose d'intérieur, une force indescriptible".
"La première fois que j'ai marché sur le feu, j'ai vu l'image de Saint-Constantin que nous appelons +grand-père+ et j'ai senti comme un choc électrique", dit-il.
Après avoir effectué trois tours autour des charbons ardents, les participants commencent à marcher dessus, icônes sous les bras et oscillant aux airs de la musique.
Lorsqu'ils retournent au "konaki", des visiteurs se précipitent pour les photographier et constater qu'ils n'ont pas de brûlures aux pieds, la preuve d'un "miracle".
A la fin de la cérémonie, le repas est prêt : viande de moutons abattus pour les besoins de la coutume.
"Ceux qui disent que ceux qui marchent sur le feu sont en extase, se trompent", affirme Kostas Liouros, 67 ans.
"Ce qui leur arrive est naturel et demande une paix mentale et une grande concentration", explique-t-il.
"Certains disent que nous buvons de l'alcool ou qu'avant de retirer nos chaussettes et nos chaussures nous enduisons nos pieds d'herbes et des choses comme ça mais rien de tout cela n'est vrai", renchérit un participant qui n'a pas souhaité donner son nom.