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Bangladesh: la colère monte contre les violences faites aux femmes attribuées aux islamistes

Bangladesh: la colère monte contre les violences faites aux femmes attribuées aux islamistes
Publié le , mis à jour le

Dacca (AFP) - L'université de Dacca est à nouveau en ébullition.Sept mois après avoir initié la "révolution" qui a fait chuter le régime de Sheikh Hasina, les étudiants bangladais ressortent de leurs amphis, cette fois contre les violences faites aux femmes.

Au cœur de cette mobilisation quasi-quotidienne, une série de cas d'agressions et de harcèlement qui, s'inquiètent-ils, traduit un regain des pressions et intimidations islamistes sur les campus.

Entre autres exemples, celui de cette étudiante qui, le 5 mars, a porté plainte contre un camarade qui lui reprochait, dit-elle, de ne pas porter correctement son voile islamique.

Son tourmenteur présumé a été arrêté mais ses partisans ont encerclé le commissariat où il était entendu pour exiger sa libération, intervenue sous les hourras de la foule sur décision d'un juge.

L'étudiante affirme avoir ensuite subi un enfer.

"Vous ne pouvez imaginer le nombre de menaces de viol et de mort que j'ai reçues", s'est plaint sur les réseaux sociaux la jeune femme, dont l'anonymat est censé être protégé par la loi.

"Ce fut une erreur de rejoindre le mouvement.Tant de vies ont été sacrifiées en vain", a-t-elle déploré.

Le "mouvement", c'est la protestation lancée l'été dernier par les étudiants contre une réforme des quotas d'accès à la fonction publique, qui a grossi en émeutes meurtrières contre le régime autoritaire de l'ex-Première ministre Sheikh Hasina.

Jusqu'à ce que le 6 août 2024, la "bégum de fer" prenne la fuite pour l'Inde.

Un gouvernement provisoire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus lui a succédé et promis des élections au plus tard début 2026.

- "Des actes" -

La situation politique est restée tendue depuis.

Visés par la répression féroce de l'ancien régime, les islamistes ont refait surface.La semaine dernière encore, la police a dispersé un rassemblement interdit d'un millier d'entre eux.

"Les forces qui œuvrent contre les femmes essaient de sortir de l'ombre", a lui-même déploré Muhammad Yunus."Le peuple du Bangladesh doit s'unir pour leur résister".

Un soutien jugé trop pâle par la plus ancienne association féministe du pays à majorité musulmane, la Bangladesh Mohila Parisha."Il devrait contrôler la situation plutôt que s'en inquiéter", regrette sa cheffe, Maleka Banu, "nous voulons des actes".

"Après la chute de Sheikh Hasina, il y a eu de nombreux incidents violents", insiste-t-elle."Le gouvernement était en plein déni et a parlé de vengeance politique.Maintenant, il dit que tout est la faute de la dictatrice déchue..."

"Ils blâment les foules, mais elles continuent à se réunir publiquement et le gouvernement reste silencieux", déplore elle aussi Selima Rahman, une figure chevronnée du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP, opposition).

"Nous réprimerons fermement tout acte de justice de rue, quelle que soit la religion, le genre, la race ou l'ethnie de leurs auteurs", lui a répondu le ministre de l'Information, Mahfuz Alam.

Mais la liste des incidents n'en finit plus de s'allonger.

La semaine dernière, deux femmes ont été harcelées pour avoir fumé dans la rue."Fumer en public est interdit", s'est contenté de réagir le ministre de l'Intérieur, Jahangir Alam.

- "Individus menaçants" -

Avant cela, au moins deux matches de football féminin ont été interrompus sous pression d'enseignants ou d'élèves d'écoles musulmanes et des actrices empêchées de participer à des promotions commerciales.

L'une des plus célèbres, Pori Moni, est sortie du silence pour fustiger ces pressions."Qu'est-ce qu'ils veulent prouver sous couvert de religion?", s'est-elle interrogée sur les réseaux sociaux.

Les autorités se refusent pour l'heure à confirmer toute hausse des violences faites aux femmes.

La police vient toutefois d'ouvrir un numéro d'urgence dédié, accessible 24 heures sur 24. Et la porte-parole de ses services d'urgence, Anwar Sattar, a dénombré 1.506 interventions pour des violences contre des femmes au seul mois de janvier.

A l'université de Dacca, le sentiment d'insécurité grandit parmi les étudiantes.

"L'autre jour, j'attendais le métro quand un homme m'a demandé pourquoi j'étais dehors sans porter de voile", raconte l'une d'elles, Jannatul Promi, 23 ans."Dès que je lui ai répondu, il a été rejoint par plusieurs individus menaçants".

"Harceler les femmes parce qu'elles ne portent pas correctement leur voile ou fument en public, annuler des rencontres sportives (...) tout ça est lié", renchérit une autre, Nishat Tanjim Nera, 24 ans.

"Le mouvement de juillet-août n'a pas promis de réhabiliter les fondamentalistes religieux", rappelle Selim Raihan, professeur à l'université de Dacca."Nous attendons de ce gouvernement qu'il ne reste pas silencieux".

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