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Au fin fond du désert pakistanais, Holi et ramadan communient dans la joie

Au fin fond du désert pakistanais, Holi et ramadan communient dans la joie
Publié le , mis à jour le

Mithi (Pakistan) (AFP) - Au milieu des dunes du désert du Sindh, un petit village résiste: ici, pour Holi en plein ramadan, les musulmans jettent de la poudre colorée sur les hindous qui eux-mêmes cuisinent pour les jeûneurs, un rare moment de communion oecuménique au Pakistan.

Dans ce pays à 96% musulman, né dans la douleur de la partition avec l'Inde très majoritairement hindoue, les discriminations et même les violences contre les minorités religieuses sont courantes.

Mais à Mithi, l'une des très rares villes à majorité hindoue dans le sud-ouest côtier et frontalier du Rajasthan indien, "on célèbre toutes les traditions et les rituels ensemble", explique à l'AFP Raj Koumar, entrepreneur et militant.

"Ici, à la fin de l'appel à la prière, le muezzin ajoute toujours +que la paix soit sur les hindous et sur les musulmans+", poursuit ce trentenaire, lui-même hindou.

Autour de lui, des centaines de ses coreligionnaires dansent et chantent dans les rues au son des tambours pour marquer Holi, la fête des couleurs qui annonce la fin de l'hiver et la victoire du bien sur le mal.

Arrivés sur la grand-place, des musulmans les attendent pour se joindre à la joyeuse bataille de rue avec de la musique et des jets de pigments de couleurs vives.

- "Valeurs des ancêtres" -

Un peu plus loin, Mohan Lal Mali prépare avec d'autres hindous le dîner qu'ils serviront aux musulmans qui jeûnent depuis qu'a commencé au début du mois le ramadan.

"On a appris à vivre ensemble depuis qu'on est petits.Cela fait des générations que ça se transmet et on continue", dit sur le ton de l'évidence ce père de famille de 53 ans.

Mais ce qui semble relever du bon sens pour lui fait figure d'exception dans la République islamique du Pakistan, où la Commission pakistanaise des droits humains  (HRCP), principale ONG de défense des libertés, s'inquiète "de la violence à motif religieux et des discriminations qui augmentent chaque année".

A Mithi, les près de 60.000 habitants tiennent bon malgré tout: ici, les temples hindous ne sont pas gardés par des hommes en armes comme souvent ailleurs dans le pays, les vaches, sacrées dans l'hindouisme, circulent librement dans les rues et aucune boucherie ne vend leur viande.

Pour l'Aïd al-Adha, la fête qui marquera la fin du ramadan dans une quinzaine de jours, toutes les familles musulmanes égorgeront une chèvre --et non une vache comme souvent ailleurs au Pakistan.

"Nous sommes tous humains, tous égaux, on ne peut pas nous diviser", assure tranquillement Amaa Ullah, un journalier musulman de 19 ans."Ce sont nos ancêtres qui nous ont transmis ces valeurs", dit-il encore depuis cette ville que peu d'hindous ont fui au moment de la partition en 1947, contrairement au reste du Sindh.

Une seule chose toutefois a changé cette année: si l'imam Babu Aslam Qaimkhani badigeonne le visage du député hindou Mahech Koumar Malani, celui-ci s'abstient pour une fois de lui rendre la pareille.

"Aujourd'hui, vous ne me voyez pas peint de toutes les couleurs, parce que c'est le ramadan et que, par respect, les gens s'abstiennent", raconte l'homme à la longue barbe blanche en souriant."Mais les années passées, ils m'ont toujours entièrement recouvert".

- Extrême-droite islamiste -

Pour Abdul Halim Jagirani, membre de l'administration locale, "le reste du pays devrait apprendre" de Mithi, la seule ville à avoir envoyé un député issu d'une minorité au Parlement aux dernières législatives --les autres y siègent grâce à un système de quota.

Pour les chercheurs du cru, Mithi tire son histoire de coexistence de sa localisation stratégique: repère au milieu du désert du Sindh à sa fondation au début du 16è siècle, elle est aujourd'hui proche d'une énorme centrale à charbon, pourvoyeuse de fonds chinois et d'emplois.

Mais ici aussi, comme partout au Pakistan --qui compte 2% d'hindous--, les partis islamistes radicaux donnent de la voix.Sur la grand-place de Mithi, une immense affiche vante le Tehreek-e-Labbaik (TLP), un parti d'extrême-droite qui appelle régulièrement ouvertement au meurtre de non-musulmans.

Pour la HRCP, "l'extrême-droite a confisqué" les dispositions de la loi censées protéger la liberté de conscience.

Et ce, poursuit l'ONG, à cause du "manque de volonté des autorités qui exploitent les troubles religieux à des fins politiques".

"Il y a des gens qui arrivent à Mithi et qui crée le doute et un petit sentiment de peur", glisse Padma Lodha, directrice hindoue de l'école de filles de Mithi.

"Mais, en gros, tout est bien géré et pacifique".

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