A Lourdes, les mosaïques de Rupnik en partie cachées pour protéger les victimes
Lourdes (AFP) - Elles étaient "comme deux bras d'un abuseur", selon l'évêque de Tarbes-Lourdes: une partie des mosaïques du prêtre slovène Marko Rupnik, accusé d'agressions sexuelles, a été recouverte lundi sur la façade de la basilique du Rosaire à Lourdes, alors que les évêques s'y réunissent pour un colloque sur les violences sexuelles dans l'Eglise.
Des ouvriers se sont affairés tôt lundi matin pour fixer aux deux portes latérales de la basilique des panneaux occultant ces mosaïques, et "les deux grandes portes centrales le seraient d'ici quelques jours, avant le début de la saison des pèlerinages à Lourdes", a déclaré dans un communiqué l'évêque, Mgr Jean-Marc Micas.
Cette décision est d'autant plus symbolique que le sanctuaire de Lourdes, l'un des lieux de culte arborant des oeuvres du père Rupnik avec Fatima, autre grand lieu de pèlerinage au Portugal, Damas, Washington ou encore le Vatican, accueille chaque année des millions de visiteurs (3,2 millions en 2024).
Marko Rupnik, 70 ans, théologien et mosaïste de renommée mondiale, est accusé d'avoir exercé des violences psychologiques et sexuelles sur au moins une vingtaine de femmes pendant près de 30 ans, notamment au sein de la communauté qu'il dirigeait à Ljubljana, aujourd'hui dissoute.
L'Ordre des Jésuites, dont est aussi issu le pape François, a exclu Marko Rupnik en juin 2023, et un tribunal indépendant est en phase de constitution afin d'entamer une procédure pénale après la conclusion d'une enquête canonique, selon le dicastère pour la Doctrine de la foi.
- "Traumatisme" -
A Lourdes, les mosaïques monumentales de Rupnik sont omniprésentes sur la façade, les portes et les rampes d'accès de la basilique.Mgr Micas avait expliqué au journal La Croix que pour les victimes, c'était "comme deux bras d'un abuseur qui les enserrent et réveillent chez elles un traumatisme absolument épouvantable".
Alors les mosaïques dorées rappelant le style byzantin ornant la façade de la basilique du Rosaire étaient mises en valeur par des jeux de lumières, notamment lors des processions nocturnes de pèlerins, l'évêque de Tarbes-Lourdes avait annoncé en juillet la fin de l'éclairage de ces mosaïques.
"Il m'a semblé (...) qu'un nouveau pas symbolique devait être fait pour que l'entrée dans la basilique soit facilitée pour toutes les personnes qui aujourd'hui ne peuvent en franchir le seuil", a-t-il dit lundi.
Cette deuxième étape intervient alors que la Conférence des évêques de France organise, lundi et mardi à Lourdes, un grand séminaire de réflexion sur la lutte contre les violences sexuelles, auquel de nombreuses victimes sont invitées.
- Faire "le même geste" ailleurs -
Cinq femmes accusant l'influent prêtre et artiste slovène d'agressions sexuelles au début des années 1990 ont accueilli "avec joie" la décision de Mgr Micas et appelé "les autres évêques, dans les diocèses desquels se trouvent des oeuvres" de Rupnik à faire "le même geste fort et sans équivoque de soutien à toutes les victimes d'abus", a indiqué leur avocate Me Laura Sgròdans un communiqué transmis à l'AFP.
En cette année de Jubilé de l'Eglise (année sainte fêtée tous les 25 ans), "le passage des portes d'entrée de la basilique se devait d'être à la hauteur symbolique du moment", a ajouté Mgr Micas.
En juillet, il avait précisé qu'à son "avis personnel", "il serait préférable de déposer ces mosaïques".
Après les portes de la basilique, dont les mosaïques devraient toutes être occultées avant Pâques, se posera la question du reste des oeuvres de Rupnik à Lourdes, dont le sort n'a pas encore été tranché.
"Nous préférons avancer dans le calme plutôt que sous le feu des pressions diverses", a affirmé lundi Mgr Micas, en rappelant qu'un groupe de travail "porte la réflexion et (l)'accompagne dans les décisions".
"Nous travaillons pour le long terme, pour les victimes, pour l'Eglise, pour Lourdes et son message pour tous", a-t-il ajouté.
