Macron de nouveau sur tous les fronts, comme si de rien n'était

Paris (AFP) - Convention citoyenne sur le temps scolaire, projets de référendums, initiatives tous azimuts à l'international : Emmanuel Macron est de nouveau sur tous les fronts, comme si la dissolution n'était jamais passée par là, au risque de trop en faire.
Pas un jour sans une annonce, une parole forte, un déplacement ou un geste diplomatique marquant.L'agenda du chef de l'Etat reprend furieusement des couleurs, après une longue traversée du désert.
Au point de renouer parfois avec des rythmes effrénés de début de mandat, loin de la devise brandie par l'Elysée depuis le pari raté de la dissolution en juin 2024 : "le président préside et le gouvernement gouverne".
Aujourd'hui, c'est le Premier ministre François Bayrou qui semble éclipsé.
"Les leviers de commande sont revenus à l'Elysée", pointe un député indépendant."Sur tous les sujets, que ce soit le sport ou le numérique, c'est le président qui a les manettes", déplore le parlementaire.
Après l'échec de son camp aux législatives post-dissolution, Emmanuel Macron s'était pourtant surtout recentré sur l'international, domaine réservé par excellence du président.
Avec le retour fracassant de Donald Trump à la Maison blanche en janvier, le cheval de bataille était tout trouvé : défendre les intérêts des Européens, de l'Ukraine à la guerre commerciale.
Un registre sur lequel il sera encore très présent cette semaine, 80 ans après la défaite de l'Allemagne nazie, avec la promesse d'une "pression accrue" contre Vladimir Poutine pour arracher un cessez-le-feu en Ukraine.
- "Trancher" -
Jamais avare en "coups" diplomatiques, Emmanuel Macron sera aussi le premier dirigeant européen à recevoir le président syrien Ahmad al-Chareh mercredi, malgré les doutes qui s'accumulent sur la coalition islamiste au pouvoir à Damas depuis la chute de Bachar al-Assad.
Il espère aussi faire bouger les lignes sur la reconnaissance d'un Etat palestinien lors d'une conférence aux Nations Unies en juin à New York.
"Jusqu'à présent, il jouait la carte de l'international, de la prise de distance.C'était relégitimant", résume Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris-Panthéon-Assas.
Au fil des semaines, le président a repris un peu de terrain dans les sondages, même s'il a encore du chemin à parcourir, quand la cote de popularité de son Premier ministre s'érodait.
Il a réinvesti en parallèle le champ politique intérieur, recommençant à réunir des ministres à l'Elysée et à imprimer sa marque hors des sentiers présidentiels classiques.
L'Elysée a ainsi annoncé une convention citoyenne sur les temps scolaires en juin, un sujet qui touche des millions de Français.
Emmanuel Macron, qui a donné rendez-vous aux Français lors d'une émission spéciale le 13 mai sur TF1, pourrait aussi évoquer à cette occasion des projets de référendum, selon une source proche du président.
Le président avait indiqué lors de ses voeux pour l'année 2025 que les Français seraient amenés à "trancher" sur des sujets déterminants.
Réorganisation territoriale ? Proportionnelle ? Fin de vie ? Le suspense reste entier.La piste d'un référendum sur les finances publiques évoquée dimanche par François Bayrou semble en revanche faire l'unanimité contre elle.
- "Sabre au clair" -
La perspective référendaire laisse nombre d'observateurs dubitatifs dans un espace politique très fracturé, où le président reste très clivant et son Premier ministre très fragile.
"La période est tellement politiquement sensible que je ne vois pas qui serait conforté par un référendum.Ce serait vraiment déconnecté", considère un membre du gouvernement.
Outre le risque toujours réel de virer au scrutin anti-Macron, l'exercice devra ménager les Républicains, associés aux gouvernement, tous comme les socialistes sans lesquels la censure du gouvernement n'en devient que plus probable.
"A part la volonté de se remettre au centre, de telles manœuvres paraissent très aléatoires", renchérit Benjamin Morel, y voyant une "stratégie dangereuse" qui va "déstabiliser" un peu plus son Premier ministre.
"Vous pouvez la jouer +Bonaparte au pont d'Arcole+ quand vous avez une majorité absolue et qu'on vous suit sabre au clair.Là, la question de sa démission va être reposée si jamais on n'a pas de budget, une fronde des collectivités, une majorité divisée encore un peu plus", avertit-il.
Cette petite musique recommence déjà à se faire entendre, tout comme celle d'une nouvelle dissolution, qui redeviendra possible constitutionnellement dès l'été.