Roumanie: le candidat d'extrême droite en tête du premier tour de la présidentielle

Bucarest (AFP) - Le candidat a changé mais l'extrême droite reste en tête: cinq mois après l'annulation choc du premier tour de la présidentielle, la Roumanie a confirmé dans un nouveau vote dimanche son virage nationaliste.
Le chef du parti AUR, George Simion, est crédité de 30 à 33% des suffrages, selon deux sondages sortie des urnes.Il est suivi de deux candidats pro-européens, qui se trouvent au coude-à-coude avec un peu plus de 20% des voix.
"Ensemble nous avons écrit une page d'histoire aujourd'hui", a réagi le vainqueur dans un message vidéo diffusé au siège de son parti devant des partisans chantant "Dehors les voleurs, vive les patriotes".
Il sera cependant "probablement battu au second tour" le 18 mai car il dispose de peu de réserves de voix, a commenté pour l'AFP le professeur de sciences politiques Sergiu Miscoiu, prédisant une course serrée.
Onze prétendants au total briguaient un poste essentiellement protocolaire mais influent en politique étrangère, dans ce pays membre de l'UE de 19 millions d'habitants devenu un pilier essentiel de l'Otan depuis l'invasion russe de l'Ukraine voisine.
- "Président MAGA" -
La victoire surprise en novembre de Calin Georgescu, un ancien haut fonctionnaire accusé par ses détracteurs d'être favorable au Kremlin, avait inquiété dans l'ouest du continent et plongé la Roumanie dans la tourmente politique.
La Cour constitutionnelle a invalidé le vote et exclu le sexagénaire de cette nouvelle course, après une campagne massive sur TikTok entachée de suspicions d'ingérence russe.
Il a été remplacé par M. Simion, 38 ans et quatrième à l'automne, et les deux hommes se sont affichés ensemble dimanche dans un bureau de vote de Mogosoaia, près de Bucarest.
Nombreux espèrent, comme Robert Teodoroiu, conducteur de 37 ans, que leur bulletin, infructueux en novembre, aboutisse cette fois."Je retente ma chance", explique-t-il à l'AFP dans les rues de la capitale.
Pendant la campagne, George Simion a brandi sa jeunesse, sa rhétorique souverainiste et sa maîtrise de la plateforme TikTok pour espérer venger son désormais allié Georgescu.
Si le député nie toute inclination pour la Russie, il partage la même aversion pour "les bureaucrates bruxellois" et s'oppose à tout soutien militaire à Kiev.
Sur les marchés ou à l'étranger pour convaincre l'importante diaspora, ce fan de Donald Trump se rêve en "président MAGA" (Make America Great Again), slogan parfois affiché sur ses casquettes.
Ce discours plaît à Stela Ivan, 67 ans, qui "espère de tout coeur" sa victoire finale.
George Simion apporterait "du changement" et ferait revenir ses fils partis vivre en Espagne, estime-t-elle, lasse des partis politiques au pouvoir depuis la fin du communisme.
L'inflation, très élevée en Roumanie, est aussi sur toutes les lèvres, Silvia Tomescu, infirmière de 52 ans, disant par exemple aspirer à "une vie meilleure et à des salaires plus élevés".
- Un scrutin sous surveillance -
Qui sera l'adversaire de George Simion au second tour?
Le suspense est entier tant l'écart est serré entre le candidat de la coalition gouvernemementale pro-européenne, Crin Antonescu, et le maire de Bucarest, Nicusor Dan, qui a promis de lutter contre la "corruption".
Plus loin derrière (autour de 15%), figure l'ancien Premier ministre social-démocrate Victor Ponta, qui avait misé sur un discours aux accents trumpistes teinté de références à Dieu.
Si George Simion accède au poste suprême, il a promis dimanche de "porter Calin Georgescu au pouvoir", évoquant trois options: "un référendum, des élections anticipées ou la formation d'une coalition au Parlement qui le nommerait Premier ministre".
Après l'annulation, décision rarissime au sein de l'UE, le scrutin était sous haute surveillance.
Des milliers de personnes ont manifesté ces derniers mois pour dénoncer "un coup d'Etat".Les Etats-Unis sont également intervenus, le vice-président JD Vance appelant à écouter la voix d'un peuple qu'on a fait taire "sur la base des faibles soupçons d'une agence de renseignement".
Les autorités, qui ont renforcé les mesures de prévention et la collaboration avec le réseau TikTok, assurent avoir "tiré les leçons" du fiasco.
Alors que l'extrême droite évoque "de multiples signes de fraude", le gouvernement a pointé des campagnes de désinformation, y voyant de "nouvelles tentatives de manipulation et d'ingérence menée par des acteurs étatiques".