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Réélection de Maduro au Venezuela: colère de la rue et scepticisme international

Réélection de Maduro au Venezuela: colère de la rue et scepticisme international
Publié le 29 juil. 2024 à 23:33, mis à jour le 29 juil. 2024 à 23:47

Caracas (AFP) - Des manifestations spontanées rassemblant plusieurs milliers de personnes, ponctuées d'échauffourées avec les forces de l'ordre, ont éclaté lundi à Caracas au lendemain de la réélection du président Nicolas Maduro, suscitant le scepticisme de l'opposition mais aussi de la communauté internationale, qui réclament une vérification du dépouillement.

"Qu'il rende le pouvoir maintenant", ont lancé lundi des milliers de manifestants dans plusieurs quartiers pauvres de Caracas, certains brûlant des affiches à l'effigie du président, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Le peuple est énervé.C'est la fraude la plus massive au monde", s'insurge Luis Garcia, 23 ans, dans la foule des protestataires à Pétaré, dans l'est de Caracas.

"Pour la liberté de notre pays ! Pour l'avenir de nos enfants, nous voulons la liberté, que Maduro s'en aille !", crie Marina Sugey, 42 ans.

Les manifestants se dirigeaient vers le centre ville quand les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes.Certains manifestants ont répondu par des jets de pierre.

D'autres affrontements se sont produits dans les quartiers populaires de Catya et El valle.

Nicolas Maduro a été officiellement proclamé lundi président du Venezuela par le Conseil national électoral (CNE)."Les Vénézuéliens ont exprimé leur volonté absolue en élisant Nicolas Maduro", a déclaré son président, Elvis Amoroso.

Lors de son discours devant le CNE, balayant les critiques de l'opposition et de la communauté internationale, M. Maduro a dénoncé une tentative d'imposer un "coup d’État fasciste et contre-révolutionnaire au Venezuela".

La veille, M. Amoroso avait dénoncé une "agression contre le système de transmission des données qui a retardé" le décompte.Les décomptes par bureaux de vote que réclame l'opposition ne sont pas encore disponibles.Lundi, le parquet a ouvert une enquête, évoquant l'implication de la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado dans ce "piratage".

Selon les résultats du CNE, M. Maduro, 61 ans, l'héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a été réélu pour un troisième mandat consécutif de six ans avec 5,15 millions de voix (51,2%). 

Le candidat de l'opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui avait remplacé au pied levé Mmme Machado, déclarée inéligible, en a recueilli un peu moins de 4,5 millions (44,2%).

L'opposition, qui espérait mettre fin à 25 années de pouvoir chaviste, a aussitôt rejeté ce résultat.Mme Machado, pour qui M. Gonzalez Urrutia a obtenu 70% des suffrages, a dénoncé "la violation grossière de la volonté populaire".

"Notre combat continue, nous ne nous reposerons pas tant que la volonté du peuple vénézuélien ne sera pas reflétée", a lancé M. Gonzalez Urrutia, sans appeler à manifester pour le moment.

   

- "Dissiper les doutes" -

Si M. Maduro a reçu le soutien de la Russie et de la Chine ainsi que de ses autres alliés habituels -Cuba, Nicaragua, Honduras et Bolivie-, les réactions négatives ou sceptiques ont afflué de la communauté internationale. 

Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont ainsi appelé lundi dans une déclaration commune à un "réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants".

Le gouvernement brésilien a "réaffirmé" "le principe fondamental de la souveraineté populaire" et demandé "la vérification impartiale des résultats".

Par le passé, le président brésilien Lula a longtemps défendu son homologue vénézuélien face aux critiques internationales. Mais Brasilia avait durci le ton à l'approche de la présidentielle.

Luis Gilberto Murillo, le ministre des Affaires étrangères de Colombie, dirigée par le président de gauche Gustavo Petro, a demandé "un décompte total des voix, sa vérification et un audit indépendant".

Les États-Unis, par la voix du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, ont affirmé "sérieusement craindre que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien".

Le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, et la France ont appelé à la  "transparence totale" en publiant l'intégralité des procès-verbaux et des résultats, ce que réclame aussi l'opposition.

Caracas a réagi à cette levée de boucliers en retirant son personnel diplomatique de sept pays d'Amérique latine (Argentine, Chili, Costa Rica, Panama, Pérou, République dominicaine et Uruguay), estimant que leur position "porte atteinte à la souveraineté nationale".

"Ce n'est pas le résultat idéal pour Maduro", a estimé Rebecca Hanson, de l'Université de Floride."En termes d'acquisition d'une certaine légitimité internationale -ce qui était un objectif de M. Maduro-, cette élection a été un désastre".

- Intimidations -

La campagne et le scrutin se sont déroulés dans une ambiance tendue, l'opposition dénonçant de nombreuses intimidations et arrestations. 

Caracas avait limité la possibilité d'observer le déroulement du scrutin.Le Centre Carter, un des rares observateurs indépendants présents, a appelé le CNE à publier les résultats du scrutin de dimanche dans chaque bureau de vote.

Le Venezuela, longtemps un des plus riches pays d'Amérique latine, est exsangue : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté, systèmes de santé et éducatif totalement délabrés.Sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.

Le pouvoir accuse le "blocus criminel" d'être à l'origine de tous les maux : les États-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d'évincer M. Maduro après sa réélection déjà contestée de 2018, un scrutin entaché de fraudes selon l'opposition, qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.

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