La Zimbabwéenne Kirsty Coventry, première femme présidente du CIO

Costa Navarino (Grèce) (AFP) - Après 131 ans d'existence, le Comité international olympique a pour la première fois élu jeudi à sa tête une femme, la Zimbabwéenne Kirsty Coventry qui succèdera à seulement 41 ans à l'Allemand Thomas Bach.
Dans le luxueux complexe grec de Costa Navarino, face à la mer Ionienne, un seul tour a suffi pour que la septuple médaillée olympique de natation déjoue les pronostics en décrochant une majorité absolue de 49 voix face à ses six adversaires.
"C'est un moment extraordinaire.Lorsque j'étais une fillette de neuf ans, jamais je n'aurais imaginé que je serais ici devant vous, avec la possibilité de redonner à notre incroyable mouvement (ce qu'il m'a apporté)", a déclaré l'ancienne championne, promettant de rendre "fiers" sa centaine de collègues.
Oubliée, la promesse d'un duel final entre les deux grands favoris, l'Espagnol Juan Antonio Samaranch Junior (28 voix) et le Britannique Sebastian Coe, humilié avec seulement huit suffrages.Et les outsiders annoncés, soit le Français David Lappartient, le Japonais Morinari Watanabe, le Suédo-Britannique Johan Eliasch et le prince jordanien Faisal Al-Hussein, n'ont pas plus fait le poids.
Elue de justesse à la commission des athlètes du CIO en 2013, en même temps que Tony Estanguet, Kirsty Coventry a depuis connu une ascension fulgurante et passait pour la candidate soutenue en coulisses par Thomas Bach, qui ne l'a jamais confirmé publiquement.
Elle lui succèdera officiellement le 23 juin à Lausanne, au siège suisse de l'instance olympique, pour un premier mandat de huit ans avant une éventuelle reconduction pour quatre ans.
- Féminisation croissante -
Bien plus discrète que ses rivaux pendant la campagne, la ministre zimbabwéenne des Sports s'était contentée mercredi face à la presse de filer la métaphore sportive, disant ressentir "toute l'adrénaline" de la dernière longueur de course.
"Je pense que c'est l'esprit athlétique qui revient en force", racontait la double championne olympique du 200 m dos (2004 et 2008), seule candidate avec Sebastian Coe à être une ex-championne, et qui a beaucoup souligné combien les Jeux avaient transformé sa vie.
Que Thomas Bach ait ou non orchestré sa victoire, il lui faudra rapidement s'émanciper de cet encombrant patronage: première femme à la tête du CIO, 24 ans après la candidature infructueuse de l'Américaine Anita DeFrantz face au Belge Jacques Rogge, et première Africaine, Coventry est un puissant symbole.
Son avènement parachève la féminisation croissante du monde olympique: le CIO compte désormais 43 femmes parmi ses membres (environ 40%), un nombre doublé depuis 2013, ses commissions sont devenues paritaires et sur le terrain, il y a pour la première fois eu autant de concurrentes que de concurrents aux JO-2024 de Paris.
Le scrutin présidentiel étant à bulletins secrets, rien ne dit que Coventry ait attiré les suffrages non-occidentaux et ceux des femmes.Mais l'institution, qui avait toujours été dirigée par un Européen ou un Américain, s'est fortement internationalisée.
- Le chantier du genre -
Son programme, le plus flou des sept candidats, reste pour l'heure à préciser: elle a expliqué vouloir marquer "une pause", le temps de réfléchir collectivement avec les membres du CIO, sans dire si cette phase de consultation inclura les fédérations internationales et comités nationaux olympiques.
A son menu figurent déjà nombre de chantiers: à moins d'un an des JO-2026 de Milan-Cortina, il lui faudra d'abord décider du sort des athlètes russes."Nous espérons que nos sportifs pourront continuer de participer aux compétitions internationales", a déclaré jeudi matin le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Dans le même temps, la Zimbabwéenne devra amorcer une relation avec le président américain Donald Trump en vue des JO-2028 de Los Angeles, tout en enterrant la hache de guerre entre l'Agence mondiale antidopage - financée pour moitié par le CIO - et les Etats-Unis, qui ont suspendu leur contribution en début d'année.
Outre son action attendue sur le modèle économique du CIO et son impact climatique, des sujets existentiels pour l'olympisme, elle devra clarifier les règles d'accès aux compétitions féminines, dans la foulée des controverses des JO-2024 de Paris sur le genre de deux boxeuses.
A plus long terme, l'instance olympique devra aussi attribuer les JO d'été de 2036, pour lesquels les "parties intéressées" se bousculent, de l'Inde à l'Afrique du Sud en passant par la Turquie, la Hongrie, le Qatar ou l'Arabie Saoudite.
Enfin, la présidence de Thomas Bach livre à sa remplaçante au moins un enseignement: du scandale du dopage russe au report des JO-2020 de Tokyo en raison de la pandémie, en passant par la négociation avec les talibans pour protéger les sportives afghanes, le patron du CIO gère les crises les plus diverses, et doit leur inventer des solutions sur mesure.