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Se chatouiller soi-même : pourquoi notre cerveau l’interdit, selon les chercheurs

Se chatouiller soi-même : pourquoi notre cerveau l’interdit, selon les chercheurs
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Bien que chatouiller quelqu’un provoque souvent des rires incontrôlables, tenter de se chatouiller soi-même reste inefficace. Ce phénomène intrigant s’explique par des mécanismes neurologiques bien connus et confirmés par la recherche scientifique.

Tl;dr

  • On ne peut pas se chatouiller soi-même.
  • Le cerveau anticipe et atténue ses propres sensations.
  • Cela éclaire des troubles neurologiques comme la schizophrénie.

Le mystère des chatouilles : une histoire de prédiction cérébrale

Pourquoi n’arrivons-nous pas à nous chatouiller nous-mêmes ? La question, souvent reléguée à la catégorie des curiosités du quotidien, cache en réalité un mécanisme fondamental du fonctionnement du système nerveux.

Dès que l’on gratte sa propre plante de pied ou frotte ses aisselles sous la douche, rien ne se passe d’inhabituel. Mais si c’est quelqu’un d’autre qui s’en charge, l’effet de chatouille est immédiat.

Un cerveau prédictif pour filtrer les sensations

Cette différence s’explique par la capacité du cerveau à anticiper les conséquences de nos actions. Lorsqu’il prépare un mouvement, il envoie aux muscles une commande motrice et transmet simultanément une « copie d’efférence » à certaines zones, notamment le cervelet. Ce dernier simule alors, avec une précision inconsciente et étonnante, ce que l’on va ressentir. Résultat : toute sensation générée par soi-même est attendue et donc atténuée par le filtre cérébral. À l’inverse, lorsqu’un tiers intervient – imprévisiblement – l’intensité sensorielle traverse ce filtre et provoque la fameuse sensation de chatouilles.

Des expériences menées grâce à un bras robotisé ont démontré cette réalité : dès lors que la synchronisation entre action et sensation est parfaite, la perception de chatouilles faiblit. Mais il suffit d’un léger décalage temporel ou spatial pour que le cerveau soit pris au dépourvu et amplifie la sensation. L’imagerie cérébrale confirme ce mécanisme en montrant une activation accrue du cortex somatosensoriel lors d’une stimulation externe.

L’atténuation sensorielle façonne notre rapport au monde

Ce processus ne concerne pas que le toucher. En fait, il influence largement notre vie quotidienne :

  • Dans les jeux enfantins où deux jeunes rivalisent en force, chacun sous-estime la puissance de son propre geste ; une escalade involontaire peut alors survenir.
  • Même notre perception visuelle profite de cette anticipation : bien que nos yeux bougent sans cesse, nous voyons le monde comme stable parce que le cerveau filtre activement les effets de nos propres mouvements oculaires.

Une simple pression latérale sur l’œil fermé peut perturber ce système prédictif et donner l’impression que le décor se penche — preuve supplémentaire de cette filtration intelligente.

Lumière sur certaines pathologies mentales

Les recherches sur ce phénomène ouvrent également des pistes prometteuses pour comprendre certains troubles psychiatriques. Chez des patients souffrant de schizophrénie, l’atténuation sensorielle est moins efficace : ils peuvent parfois se chatouiller eux-mêmes ou percevoir leurs propres actions comme extérieures à leur volonté. On suppose même que des hallucinations auditives pourraient découler d’une incapacité à filtrer correctement ses propres pensées verbales.

Ainsi, derrière l’apparente simplicité d’une chatouille se cache tout un pan du fonctionnement du cerveau humain – fascinant, complexe, mais porteur de nouvelles perspectives sur notre relation au monde… et à nous-mêmes.

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