Retraites: le patronat sommé de jouer "carte sur table" par les syndicats

Paris (AFP) - Les derniers syndicats présents au conclave sur les retraites enjoignent jeudi le patronat de jouer "carte sur table" et dire quelles "concessions" il est prêt à faire notamment sur l'âge de départ, lors d'une séance de tous les dangers après le départ de trois organisations.
Ce jeudi et le prochain, les organisations syndicales et patronales doivent discuter d'"usure professionnelle et pénibilité", deux sujets auxquels les syndicats sont particulièrement attachés.
Avant d'entamer les discussions, "il faut que les partenaires sociaux soient clairs entre eux", insiste Cyril Chabanier, leader de la CFTC, qui compte demander aux autres partenaires : "Est-ce qu'on veut avancer ? Est-ce que chacun est prêt à faire des concessions ?".
"Au bout d'un moment, soit ils nous disent +oui+ et on avance, soit ils nous disent +non+ et on arrête le conclave.Moi je n'ai pas trois mois à perdre", s'agace-t-il, menaçant ainsi d'emboîter le pas à la CGT, dont la leader, Sophie Binet, a claqué la porte des négociations mercredi.
"Le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave.Et c'est très grave parce que le Premier ministre s'était engagé à ce que ces discussions soient +sans totem, ni tabou+", a justifié la patronne de la CGT sur France 2.
"Je pense qu'un accord est possible", a positivé le ministre de l'Economie Eric Lombard jeudi sur TF1."Les organisations qui se sont éloignées pourront revenir à la table si cet accord leur convient", a-t-il ajouté.
Ce sont les dernières déclarations du Premier ministre, dimanche, réitérées cette semaine au Parlement, jugeant "impossible" un retour de l'âge de départ en retraite à 62 ans, qui ont fait exploser la fragile architecture des négociations.
"A mes yeux, on ne (peut) pas revenir à 62, supprimer la réforme des retraites et retrouver l'équilibre financier", a plaidé en vain le Premier ministre mercredi devant les sénateurs.
- "Carte sur table" -
"Les 62 ans, c'est la question centrale", a répliqué Sophie Binet.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, 50% des personnes sondées souhaitent que, dans les prochaines semaines, une motion de censure soit adoptée contre le gouvernement de François Bayrou sur le sujet des retraites.Et elles sont 56% à souhaiter revenir à 62 ans (contre 62% en janvier).
La CFDT, qui reste elle dans les négociations, "s'affranchit" désormais "de la lettre de cadrage" du gouvernement et appelle à "un autre" conclave."On va vraiment appliquer le sans totem ni tabou", assure Marylise Léon (CFDT).
Dès jeudi après-midi, "on joue carte sur table.Chacun dit pourquoi il est là et qu'est-ce qu'il est prêt à faire", insiste la leader de la CFDT, interrogée en marge d'un déplacement à Orléans par l'AFP."Si tout le monde est venu par politesse parce que le Premier ministre nous l'a demandé, ça n'a aucun sens", ajoute-t-elle, s'interrogeant sur les ambitions du patronat qui n'a jamais montré "depuis le début, une proposition d'ouverture sur la pénibilité", entre autres.
Reste que les concertations sur les retraites, engagées fin février entre partenaires sociaux et prévues pour trois mois, ont plus que jamais du plomb dans l'aile.
Force ouvrière, troisième organisation syndicale, a claqué la porte des négociations dès la première réunion le 27 février, en dénonçant une "mascarade" après l'exigence de François Bayrou de rétablir l'équilibre financier du système de retraites en 2030.
Côté patronal, la plus petite des trois organisations, l'U2P (artisans, commerçants et professions libérales) a aussi quitté le "conclave" mardi estimant que l'équilibre du régime des retraites "imposera de repousser l'âge légal de départ au-delà de 64 ans", sauf pour les métiers difficiles.
Le Medef, première organisation patronale, a dit mercredi par la voix de son président Patrick Martin vouloir "laisser sa chance" à la discussion estimant toutefois que "tous les partenaires sociaux, les politiques a fortiori, doivent prendre en compte cette situation des finances publiques qui devient critique".