Plus de 60.000 manifestants contre le racisme, LFI en pointe malgré la polémique

Paris (AFP) - Au moins 62.000 personnes selon la police ont défilé en France samedi contre le racisme et l'extrême droite, une mobilisation mêlant souvent un soutien à Gaza et mise sous le feu des projecteurs cette année par la polémique autour de l'affiche LFI présumée antisémite à l'effigie de Cyril Hanouna.
A Marseille, quelque 3.300 personnes selon la police (10.000 selon la CGT) ont défilé en brandissant des pancartes "contre l'islamophobie d'Etat", "Tesla is the new swastika" (NDLR: croix gammée), "plus d'amour, moins de Zemmour".
Dans le cortège, émaillé de drapeaux palestiniens, de nombreux jeunes dont Inès Frehaut, en terminale, qui participe à sa première manifestation."Quand on voit les propos de Bruno Retailleau sur l'islam, l'Algérie, le port du voile, c'est grave!", juge-t-elle.
A Strasbourg, Marc Pereira, 37 ans, maraicher, "est venu pour dire non au racisme ambiant.Entre Retailleau, Darmanin, Wauquiez, et l'extrême droite habituelle, Le Pen, Bardella, ils tapent toujours sur les mêmes boucs émissaires pour des raisons électoralistes".
A Paris, plus de 20.000 personnes selon une première estimation de la police, ont marché avec un peu de tension en fin de manifestation à Nation."L'Amérique glisse vers le fascisme.Nous avons besoin de manifestations comme ça aux US", a plaidé Ann, une Américaine de 55 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.
"J'ose espérer que la politique menée par l'extrême droite américaine va faire réfléchir les gens", a renchéri à Rennes Nicole Kiil-Nielsen, 75 ans.
Le rendez-vous était fixé de longue date, au lendemain de la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, inscrite par l'ONU à l'agenda le 21 mars.Dans l'Hexagone, des centaines de syndicats et d'associations, locales ou nationales, ont organisé des rassemblements, de Saint-Lô à Sète.
"On veut dire haut et fort que nous ne voulons pas de société raciste", a résumé Sophie Giroud, membre du bureau national de la Ligue des droits de l'homme.
- "Erreur" ou "instrumentalisation" -
Toutefois, les organisateurs ont été relégués au second plan par La France insoumise qui a élargi le mot d'ordre contre le racisme pour en faire "des manifestations contre le gouvernement Bayrou, l'extrême droite et ses idées".
"Les idées d'extrême droite contaminent jusqu'au gouvernement", a justifié la députée LFI Aurélie Trouvé, présente dans le cortège parisien d'où étaient absents les leaders socialistes.
"Personne ne nous détournera de l'objectif de cette manifestation", a-t-elle insisté en référence à la polémique depuis dix jours, à cause d'un visuel présentant le visage de Cyril Hanouna, animateur proche du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, sourcils froncés et grimace agressive.Une représentation qui a valu au parti une condamnation en référé pour "atteinte (au) droit à l'image" de l'animateur.Décision dont LFI a aussitôt annoncé faire appel.
Mais là où le bât blesse, c'est dans la ressemblance entre cette caricature de M. Hanouna, juif d'origine tunisienne, et certaines affiches antisémites des années 1930 et de l'Allemagne nazie.
Raison qui avait d'ailleurs poussé LFI à retirer son visuel rapidement et certains cadres insoumis à reconnaître une "erreur".
"Un parti est composé de citoyens qui font parfois des erreurs (...) Des voix juives dans nos rangs ont pu nous dire que c'était une erreur, donc là on ne peut pas dire qu'il y a une instrumentalisation" contre nous, a admis samedi l'eurodéputée Rima Hassan, fer de lance de la cause palestinienne au sein du mouvement.
Cependant, Jean-Luc Mélenchon, qui s'est offert samedi un bain de foule à Marseille, a refusé lui tout mea culpa, accusant ces derniers jours les médias de faire le jeu de l'extrême droite, tout comme la cheffe des députés Mathilde Panot.
"Un jour, vous vous regarderez dans la glace d'avoir fait croire que les antiracistes étaient des racistes", a ainsi lancé Mme Panot aux journalistes dans le défilé parisien.
Pour bien se démarquer de LFI, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet avait souligné avant la manifestation que "de nombreuses associations qui luttent contre l'antisémitisme (...) seront dans le carré de tête" avec les syndicats.
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