Nice accueille le Sommet des océans : décryptage du traité européen sur la préservation de la haute mer

Le sommet international des océans s’ouvre à Nice, alors que l’Union européenne vient d’approuver un accord majeur visant à préserver la haute mer. Ce texte, inédit à l’échelle mondiale, doit renforcer la protection des espaces maritimes internationaux.
Tl;dr
- Le traité protège la biodiversité de la haute mer.
- 49 pays et l’UE ont ratifié, 60 nécessaires.
- Partage équitable des ressources génétiques marines prévu.
Un traité ambitieux pour la haute mer
Ratifié par 49 pays et l’Union européenne, le traité sur la protection de la haute mer, adopté par les États membres de l’ONU en juin 2023, suscite autant d’espoirs que d’interrogations. Son entrée en vigueur reste suspendue à une soixantième ratification, attendue au plus tôt pour fin 2025.
Dernièrement, lors de la conférence onusienne sur les océans à Nice, le texte affichait déjà un solide soutien international. Pourtant, certains poids lourds comme les États-Unis, bien que signataires sous l’administration de Joe Biden, n’envisagent pas une ratification tant que Donald Trump demeure président.
Biodiversité et gouvernance : de vastes zones concernées
Ce traité s’appliquera spécifiquement à la partie des océans située au-delà des zones économiques exclusives (ZEE), autrement dit là où aucune juridiction nationale ne prévaut. Ces espaces représentent près de la moitié du globe. L’objectif affiché ? Préserver et exploiter durablement la biodiversité marine, tant dans l’immédiat qu’à long terme.
Or, il faudra composer avec une pluralité d’organismes internationaux ou régionaux déjà compétents sur certaines portions de l’océan – pensons notamment aux organisations régionales de pêche ou à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). La récente décision unilatérale de délivrer des permis d’extraction minière sous-marine prise par l’administration américaine ajoute une couche supplémentaire d’incertitude, d’autant que les États-Unis ne siègent pas à l’AIFM.
Aires protégées et partage des ressources : instruments clés
Point central du dispositif : la création d’aires marines protégées. Sur proposition d’un ou plusieurs États, et à partir d’avis scientifiques, la future COP pourra instaurer ces sanctuaires dans des zones fragiles ou essentielles à certaines espèces menacées. Cependant, le traité reste évasif sur les mécanismes concrets pour surveiller ces vastes espaces. La responsabilité incombera avant tout à chaque État pour ses activités en haute mer – par exemple celles opérées depuis un navire battant son pavillon.
Autre innovation notable : le principe d’un « partage juste et équitable des avantages » issus des ressources génétiques marines. Cela signifie concrètement :
- Mise à disposition libre des données scientifiques.
- Droit pour tout État ou entité sous sa juridiction de collecter faune ou flore en haute mer.
- Partage des revenus éventuels générés par ces découvertes.
L’épineuse question des études d’impact et du contrôle effectif
Avant toute activité susceptible d’affecter significativement le milieu marin, chaque pays devra réaliser puis publier une étude d’impact environnemental régulière. Toutefois, c’est bien aux États eux-mêmes que revient in fine la décision d’autoriser ou non ces activités – ce qui déçoit nombre d’ONG souhaitant voir la future COP jouer un rôle plus directif. Enfin, il faut rappeler que si les activités militaires sont exclues du champ du traité, celui-ci pourrait s’appliquer à la pêche industrielle, au transport maritime ou encore à l’exploitation minière sous-marine voire aux procédés émergents de géo-ingénierie marine.
Au fond, cet accord inédit pose les bases d’une gestion collective inédite pour préserver un patrimoine océanique mondial jusqu’ici largement livré à lui-même – mais il lui faudra passer le cap délicat de sa mise en œuvre concrète.