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Le lycée musulman lillois Averroès récupère son contrat avec l'Etat

Le lycée musulman lillois Averroès récupère son contrat avec l'Etat
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Lille (AFP) - Le tribunal administratif de Lille a rétabli mercredi le contrat d'association entre l'Etat et le lycée musulman Averroès, résilié en décembre 2023 par la préfecture du Nord, qui avait évoqué des "manquements graves aux principes fondamentaux de la République".

Le tribunal a expliqué dans un communiqué avoir annulé la décision préfectorale parce qu'elle n'établissait pas "l'existence de manquements graves au droit" et que la procédure était "entachée d'irrégularités".

Les juges ont estimé que l'administration n'avait pas "suffisamment démontré" le "manque de pluralisme culturel de la documentation accessible aux lycéens", le "caractère contraire aux valeurs de la République du cours d'éthique musulmane" ou encore "l'existence d'un système de financement illicite" reprochés à l'établissement. 

Le tribunal a reconnu que certains manquements avaient été démontrés, mais estimé qu'ils n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat avec l'Etat.

L'association Averroès a salué dans un communiqué une "victoire de l'Etat de droit", et assuré que cette décision "à effet immédiat réattribue de manière rétroactive intégralement le contrat d'association au lycée Averroès".

"Il a été démontré que tous les enseignements dispensés au sein du lycée Averroès sont conformes aux valeurs de la République", s'est félicité Me Paul Jablonski, l'un des avocats de l'établissement, lors d'une conférence de presse à Lille.

- "Tempête absolue" -

Eric Dufour, directeur du groupe scolaire, a souligné que son établissement avait continué d'obtenir "des résultats brillants dans la tempête, dans une tempête absolue.Je pense qu'aucun établissement n'avait eu à vivre ça en France", a-t-il estimé.

Le ministère de l'Education nationale se réserve la possibilité de faire appel "après analyse approfondie du jugement", estimant dans un communiqué que "les griefs qui sont reprochés au lycée Averroès ont rompu la confiance entre les pouvoirs publics et l'établissement".

"Au vu de la gravité des faits mis en lumière lors de la procédure, je souhaite que l'Etat fasse appel", a réagi sur X Xavier Bertrand, le président (LR) de la région Hauts-de-France. 

Averroès, fondé en 2003 et qui s'est distingué par d'excellents résultats scolaires, était jusqu'en septembre 2024 le principal lycée musulman sous contrat de France.

Le 7 décembre 2023, le préfet du Nord avait mis fin à ce contrat, privant l'établissement de subventions publiques depuis la rentrée 2024.

Pour survivre, Averroès a doublé ses frais de scolarité et lancé une cagnotte en ligne.Mais il a perdu de nombreux élèves, passant de 470 lycéens à 290, qui ont dû préparer le bac en candidats libres.

L'établissement a chiffré à plus d'un million d'euros par an le coût des salaires des enseignants auparavant pris en charge par l'Etat, et à 300.000 euros le forfait d'externat alors versé pour chaque année scolaire, dû par la région, laquelle n'a pas l'intention de reprendre ce paiement avant un jugement définitif.

La décision du tribunal "démontre que le traitement aussi exceptionnel que brutal réservé à l'établissement privé musulman par le préfet du Nord était infondé et discriminatoire", a réagi le député La France insoumise (LFI) du Val-d'Oise Paul Vannier sur X.

- "Désaveu sévère" -

"Je respecte la justice administrative", a affirmé le Premier ministre François Bayrou, tout en indiquant qu'il chercherait "le meilleur équilibre possible" dans les semaines à venir pour "éviter qu'il n'y ait des dérives" et qu'en même temps "le droit soit respecté".

Entendu le 9 avril par la commission d'enquête parlementaire sur le contrôle des établissements scolaires par l'État, Georges-François Leclerc, ancien préfet du Nord qui avait décidé de résilier le contrat, avait assuré qu'il disposait alors d'éléments "suffisamment tangibles pour considérer que les élèves étaient en danger" au sein d'Averroès.

Sa décision reposait notamment sur la mention, dans la bibliographie d'un cours d'éthique musulmane, d'un recueil de textes religieux contenant des commentaires prônant la peine de mort en cas d'apostasie ainsi que la ségrégation des sexes.

Un livre qui n'a jamais été présent au sein de l'établissement, assurent les responsables d'Averroès.

Cette décision intervient alors que le groupe scolaire Al-Kindi, près de Lyon, où se trouvait le seul autre lycée musulman sous contrat, a vu ce contrat suspendu à partir de la rentrée prochaine, ce qu'il conteste en justice.

La décision lilloise constitue "un désaveu sévère pour le ministère de l'Intérieur" et "une leçon de droit pour des politiques qui, toute honte bue, font du rejet de la différence (...) leur fond de commerce", a réagi un fondateur d'Al-Kindi, Hakim Chergui. 

La bataille juridique n'est pas terminée pour Averroès.Les avocats du groupe scolaire ont saisi la justice concernant le refus par la préfecture d'accorder un contrat au collège, alors que l'établissement remplit "toutes les conditions" selon M. Dufour.

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