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IVG dans la Constitution: adoption en vue au Sénat, avant le Congrès ?

IVG dans la Constitution: adoption en vue au Sénat, avant le Congrès ?
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Paris (AFP) - Adoption en vue à la chambre haute: le Sénat s'apprête à voter pour l'inscription d'une "liberté garantie" à l'IVG dans la Constitution, après le rejet de toutes les tentatives de la droite de modifier le texte proposé par le gouvernement.

"Les Français nous regardent et attendent que nous soyons tous collectivement à la hauteur de l'attente populaire", a lancé le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti en ouverture de la séance, évoquant "une journée historique" pour faire de la France "le premier pays au monde à protéger dans sa Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps".

Le ton est monté quand le sénateur d'extrême droite Stéphane Ravier (Reconquête) a accusé le gouvernement et la gauche de "panthéoniser l'avortement", plutôt que de défendre "les vies à naître"."Vous êtes cinglé", lui a lancé la communiste Cécile Cukierman lors d'une passe d'armes assez rare dans cet hémicycle d'ordinaire très apaisé.

Deux camps s'opposent au Palais du Luxembourg.D'un côté, le gouvernement soutenu par la gauche en faveur de cette révision promise par le président de la République, Emmanuel Macron.De l'autre, une partie de la droite et des centristes encore sceptiques devant la formulation retenue par l'exécutif.

"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".Le texte soumis au vote des 348 sénateurs irrite toujours dans les rangs de la majorité sénatoriale, une alliance entre Les Républicains (LR) et le groupe centriste.

Philippe Bas (LR) a épinglé le "concept étrange de liberté garantie"."Ne nous y trompons pas, il s'agit en réalité de réintroduire de manière ambiguë la notion de droit opposable", a dit le sénateur, qui a déposé un amendement supprimant l'adjectif, conformément à la rédaction du Sénat en février 2023.

"Ce terme ne crée en aucune manière un droit opposable", avait tenté de rassurer M. Dupond-Moretti au début d'un débat parfois houleux.

"Le terme de +garantie+ permet de rendre clair le fait que l’objet de cette révision constitutionnelle n’est pas simplement d’attribuer une compétence au législateur - qu’il avait au demeurant déjà - mais de guider l'exercice de sa compétence dans le sens de la protection de cette liberté, notamment contre  des tentatives législatives de la restreindre drastiquement", a-t-il expliqué.

Mais cet amendement, comme tous les autres, ont été rejetés très largement par la chambre haute, à quelques minutes d'un vote qui s'annonce désormais positif et conforme, sauf immense surprise.

Ces débats sémantiques sont essentiels car un vote sans modification de la chambre haute est nécessaire avant de réunir le Congrès, ultime étape pour cette révision constitutionnelle soutenue par 86% des Français, selon un sondage Ifop de novembre 2022. 

- Congrès lundi ? -

Camp présidentiel et gauche ont souligné le moment "historique" au-delà des "clivages".

"Plus jamais les faiseuses d'ange, les cintres, les aiguilles, les mortes.Disons à nos filles, nos nièces, nos petites filles: +Vous êtes désormais, et à jamais, libres de choisir vos vies+", a souligné l'écologiste Mélanie Vogel.

Le Sénat est difficile à convaincre: les trois chefs de la majorité sénatoriale - le président du Sénat Gérard Larcher, le président du groupe LR Bruno Retailleau et celui du groupe centriste Hervé Marseille - sont opposés à la réforme.

En cas de vote conforme du Sénat, le Congrès du Parlement "pourra être réuni la semaine prochaine" à Versailles pour adopter définitivement le projet, a affirmé un peu plus tôt la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot. 

La date du lundi 4 mars, évoquée de longue date non sans froisser la droite sénatoriale, continue de "tenir la corde" selon plusieurs sources gouvernementales et parlementaires. 

La mairie de Versailles a d'ailleurs déjà annoncé des restrictions de circulation à cette date en raison du "Congrès du Parlement". 

- Pression familiale -

Les associations de défense des droits des femmes comme les collectifs d'opposition à l'IVG ont multiplié les initiatives ces derniers jours pour convaincre les sénateurs.Plusieurs rassemblements pro et anti-constitutionnalisation ont eu lieu aux alentours du Sénat.

Dans les rangs de la droite, la pression sociale ou familiale a fait basculer certains votes: en privé, plusieurs sénateurs reconnaissent qu'ils ont changé d'avis et ne s'opposeront pas à la réforme, laissant entrevoir une nette majorité en faveur de l'inscription de l'IVG dans la Constitution.

Mais la question était bien de savoir si le texte allait être modifié, ce qui aurait obligé l'Assemblée nationale à s'en saisir à nouveau et repousserait le calendrier de la réforme. 

Outre l'amendement revenant sur le concept de "liberté garantie", une trentaine de sénateurs LR avaient proposé d'inscrire dans la Constitution la clause de conscience des médecins, non tenus de pratiquer l'IVG s'ils ne le souhaitent pas.

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