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En Isère, une commémoration de la guerre au parfum d'huile de moteur

En Isère, une commémoration de la guerre au parfum d'huile de moteur
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La Sône (France) (AFP) - A chacun sa façon de commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale: pour Jacques Lascoumes, c'est au milieu des véhicules américains rongés de rouille qu'il vend aux férus d'Histoire et de vieille mécanique.

Sur son vaste terrain en bord de route dans la campagne iséroise entre Grenoble et Valence, trônent des centaines de carcasses de Jeeps, ambulances, camions, utilitaires et même quelques chars, à demi-désossés, cabossés ou envahis par la mousse et les ronces. 

Dans un hangar, où flotte un fumet persistant d'huile de moteur, des milliers de tonnes de pièces détachées issues des mêmes engins, tous made in USA, attendent elles aussi le chaland.

La petite affaire de ce spécialiste de pièces détachées et véhicules américains de la Seconde Guerre mondiale, qu'il dirige depuis maintenant 40 ans, est née en 1945 des mains de son père Jean Lascoumes, un mécanicien enthousiasmé par la qualité "exceptionnelle" des véhicules américains déployés pendant la guerre. 

Trois anniversaires sont célébrés pendant le pont du 8 mai par ce grand costaud vêtu de kaki: "le 100e anniversaire de la naissance de mon père, le 80e anniversaire de la Victoire, et puis mon 60e anniversaire le 12" mai, explique-t-il. 

Au programme: vente aux enchères, chansons d'époque, défilé de mode des années 40.

"On est typiquement des enfants du plan Marshall", sourit le propriétaire en référence au plan de reconstruction de l'Europe mis sur pied après la guerre par le général américain George Marshall. 

Le grand nombre de véhicules laissés derrière eux par les États-Unis après le conflit dans le cadre de ce plan, réemployés au civil, par exemple dans le bâtiment, les réseaux EDF, les barrages ou par les pompiers, "ont permis de reconstruire très vite" le continent, rappelle-t-il. 

Ce n'est qu'à partir des années 80 que les usages professionnels des véhicules ont progressivement disparu et qu'est apparue à leur place une clientèle de collectionneurs amoureux de la bidouille et prêts à investir des sommes conséquentes dans leur passion. 

"Il faut imaginer que la rénovation d'un véhicule militaire, c'est d'abord un plaisir.Les samedis après-midi, les weekends, les vacances, que les gens passent à rénover leur véhicule, c'est des instants de plaisir, ce n'est pas des instants de travail", s'amuse M. Lascoumes. 

"Ce qui attire les gens ici, c'est qu'effectivement, je ne connais pas de stock plus important de ce matériel.Je suis quasiment sûr qu'en Europe, il n'y en a pas", se rengorge-t-il.

Pour lui, les festivités du weekend pourraient prendre une tournure plus personnelle puisqu'il songe à "se séparer de ses jouets" et va se mettre en quête d'un repreneur.

- "J'adore ça" -

Parmi les visiteurs du weekend, des membres de l'AVM 74 (Amicale des véhicules militaires de Haute-Savoie), venus, en costumes d'époque, exposer avec fierté leur matériel.

Rémi Nater, 62 ans, a passé un an à retaper un Dodge WC 52, véhicule multifonction équipé d'une mitraillette et d'un drapeau américain et dont les papiers attestent qu'il date de 1943."Je suis en train de voir où il aurait débarqué" pendant la guerre, s'enthousiasme-t-il. 

Lorsqu'il le met en route pour une démonstration, le bruit du moteur est assourdissant, le volant très dur à tourner et le vent décoiffant en l'absence de portières, mais "j'adore ça", confesse-t-il.

Déambulant en quête de coup de cœur parmi les rangées de vieilles autos décaties, Andrea Costa, un touriste italien, se reconnaît volontiers atteint du même virus: "Quand je vois ça, la première chose qui me vient en tête, c'est que j'ai envie de retaper tous ces véhicules". 

"J'ai tellement entendu des histoires de guerre quand j'étais petit, de mon père avec son meilleur ami, que c'est presque comme si j'avais vécu ça", relève-t-il, fasciné par "ce que ces objets ont vécu, toute cette période assez terrible"."Et de temps en temps, en 2025, on pense, est-ce que c'est possible que ça arrive à nouveau ? On est dans une période assez trouble", observe-t-il.

"Qui ignore son histoire s'expose à la revivre", abonde Jacques Lascoumes, qui cite volontiers les mémoires de De Gaulle, Churchill et d'autres. 

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