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Décès de Naomi Musenga: prison avec sursis requise contre l'opératrice

Décès de Naomi Musenga: prison avec sursis requise contre l'opératrice
Publié le 04 juil. 2024 à 17:12, mis à jour le 04 juil. 2024 à 17:14

Strasbourg (AFP) - Le parquet a requis une peine de 10 mois de prison avec sursis contre Corinne M., l'opératrice du Samu qui avait raillé fin 2017 au téléphone Naomi Musenga, jeune femme décédée peu après à l'hôpital, la défense réclamant de son côté la relaxe, jeudi au tribunal de Strasbourg.

"Quand on écoute cette bande on ne peut qu'être choqué du manque d'empathie total, du mépris même, de l'opératrice à l'égard de celle qui allait décéder quelques heures plus tard", a déclaré la procureure, Agnès Robine, à l'entame de son réquisitoire.

Estimant l'infraction de non assistance à personne en danger "parfaitement caractérisée", elle a réclamé une "sanction de principe, claire, pour rappeler la loi et le devoir d'humanité de chacun des citoyens".

Si cette affaire avait permis, selon elle, de "mettre en lumière le travail difficile" des assistants de régulation médicale et le "manque de moyens des services publics" de secours d'urgence, elle a souligné que les appels passés le 29 décembre 2017 par Naomi Musenga, 22 ans, puis par sa belle-soeur qui s'était rendue chez elle, ont fait l'objet d'une "prise en charge non conforme", comme l'avait déjà souligné un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2018.

Déplorant un "comportement moralement et humainement inadapté", Agnès Robine a insisté sur les "graves négligences" commises par la régulatrice, qui disposait pourtant d'une "solide expérience" professionnelle depuis huit ans qu'elle exerçait à ce poste, après avoir été ambulancière.

- "Froid dans le dos" -

"A aucun moment elle n'essaie de savoir ce que Mme Musenga a comme symptômes, alors qu'elle lui dit qu'elle va mourir", a souligné la magistrate.

"Je ne peux pas vous aider parce que je ne sais pas ce que vous avez", a-t-elle extrait de l'enregistrement de la conversation entre la jeune femme souffrante et l'opératrice. "Cette phrase fait froid dans le dos", a souligné la procureure."C'était l'essence même de sa mission que de poser les questions aux appelants."

Corinne M. "n'a apporté aucune assistance alors qu'elle avait les moyens, et le devoir, de le faire.Dès les premiers instants elle avait décidé de ne pas intervenir, ni de transmettre l'appel à un médecin", a-t-elle affirmé.

La procureure a écarté certaines circonstances atténuantes avancées par la prévenue, rappelant que le jour des faits les conditions d'exercice étaient "normales", et qu'aucun certificat médical ou démarche pour changer de service n'avait été présenté pour soutenir l'idée que Corinne M. n'était "pas en état de travailler".

"Une bande sonore comme celle-ci, j'ose espérer que de ma vie je n'en entendrai jamais plus", a appuyé l'avocat de la famille de la victime, Jean-Christophe Coubris."Nous avons une personne qui à deux reprises n'a pas rempli sa mission, et qui aujourd'hui encore cherche des excuses.On ne lui demande pas de porter un diagnostic, on lui demande de faire ce pour quoi elle a été embauchée: poser les bonnes questions, faire le lien, et faciliter le travail de régulation."

- "Circonstances atroces" -

Son ancien compagnon "a passé les six dernières années à essayer de comprendre ce qui avait pu arriver à Naomi, comment elle avait pu perdre la vie, et qu'est-ce qui a pu dysfonctionner pour qu'on la laisse dans cette détresse et qu'elle meure dans des circonstances atroces", a également estimé Marie Juras, avocate de l'ancien compagnon de Naomi."Il est venu chercher des réponses.Un jour sa fille lui posera des questions, elle entendra cet appel audio et il sera seul en face d'elle pour lui répondre".

Thomas Callen, avocat de Corinne M., a estimé en revanche que l'infraction n'était "pas caractérisée".Même si le conseil a estimé "inadmissible" "le manque d'empathie, le défaut d'humanité" de sa cliente, "l'infraction nécessite de démontrer la conscience d'un péril".Or justement, selon lui, la régulatrice du Samu n'avait pas conscience que Naomi Musenga était en danger de mort.

Corinne M. s'est excusée auprès de la famille de Naomi en ouverture des débats jeudi matin, des excuses accueillies avec bienveillance par la mère de Naomi, qui "pardonne" à l'opératrice."Nous avons besoin de panser nos blessures pour poursuivre notre route", a-t-elle conclu.

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