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Décès de Naomi Musenga: le procès de l'opératrice du Samu s'est ouvert

Décès de Naomi Musenga: le procès de l'opératrice du Samu s'est ouvert
Publié le 04 juil. 2024 à 10:35, mis à jour le 04 juil. 2024 à 10:36

Strasbourg (AFP) - Son ton moqueur avait scandalisé : l'opératrice du Samu qui avait raillé fin 2017 au téléphone Naomi Musenga, une jeune femme morte peu après à l'hôpital, s'est présentée jeudi devant le tribunal de Strasbourg, où elle est poursuivie pour "non assistance à personne en danger".

Chemisier et foulard bleus à motifs, Corinne M., 60 ans, définitivement suspendue du Samu et actuellement sans emploi, a décliné son identité devant les juges.Il lui est reproché de "ne pas avoir respecté les protocoles" de prise en charge "et les bonnes pratiques" du Samu, selon le parquet.Elle encourt cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.

L'un de ses avocats, Thomas Callen, a immédiatement sollicité l'annulation du procès, estimant que le dernier document rédigé par la juge d'instruction à l'issue de l'enquête demeurait "flou" quant aux actes reprochés à sa cliente.Sa demande sera analysée à l'issue des débats.

L'opératrice a ensuite pris la parole: "Je souhaiterais m'excuser de tout ça.Je vous demande de m'excuser, c'était inqualifiable", a-t-elle déclaré en se tournant vers la famille de Naomi, sa mère Honorine Musenga, et ses frère et sœur Gloire et Louange.

Certains proches de Naomi arborent un tee-shirt présentant un portrait de la jeune femme décédée à l'âge de 22 ans.

- Retard de 02h20 -

Plus de six ans après les faits, la tenue de ce procès "est un grand soulagement", avait déclaré Honorine Musenga, lors d'une conférence de presse la veille de l'audience.

La famille veut "la justice", avait abondé Louange, la sœur de Naomi."Comprendre" aussi "ce qui s'est passé dans la tête de cette personne".Gloire, son frère, a souhaité "un pardon" de la part de l'opératrice "pour ce qu'elle a fait", un souhait donc exaucé dès l'ouverture des débats.

Mère d'une enfant de 18 mois, Naomi Musenga est décédée le 29 décembre 2017 à l'hôpital de Strasbourg après avoir été prise en charge avec "un retard global de près de 02H20", selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Se plaignant d'importantes douleurs au ventre, elle avait pris contact avec les pompiers qui avaient transféré l'appel au Samu.L'échange entre les deux opératrices se faisait déjà "sur un ton moqueur", avait relevé l'Igas.

"J'ai très mal au ventre", "je vais mourir...", soufflait ensuite Naomi, peinant à s'exprimer."Oui vous allez mourir, certainement un jour comme tout le monde", rétorquait la régulatrice, employant "un ton dur, intimidant et déplacé face à des demandes d'aide réitérées", toujours selon l'Igas.Avant de raccrocher.

Naomi avait fini par être dirigée vers SOS Médecins et hospitalisée, mais bien trop tard.

L'échange avait filtré sur les réseaux sociaux et dans les médias quelques mois plus tard, déclenchant un tollé."Sans cette bande sonore diffusée de très nombreuses fois, je ne suis pas certain que l'on aurait eu une date d'audience", a estimé Jean-Christophe Coubris, avocat de la famille de Naomi.

A l'issue de la conversation, l'opératrice n'avait pas transmis l'appel à un médecin régulateur, contrairement à ce qu'imposait la procédure en cas de douleurs abdominales et n'avait posé "aucune question" pour renseigner "l'état clinique de la patiente", a pointé l'Igas.

Conseil de la prévenue, Me Olivier Grimaldi, avait indiqué en mai à l'AFP qu'il contestait ces poursuites, regrettant que l'employeur ou les supérieurs de sa cliente n'aient pas été poursuivis.

- "Douleurs" -

La longue instruction a été ponctuée d'expertises et de contre-expertises.

Après la mort de Naomi, une première, dénoncée par sa famille, avait conclu à un décès consécutif à une "intoxication au paracétamol absorbé par automédication sur plusieurs jours". 

Mais une autre expertise avait évoqué un accident vasculaire digestif ayant entraîné une hémorragie.

L'enquête avait également été ouverte pour "homicide involontaire".Mais les expertises n'ont pas relevé de "lien de causalité" entre le retard de prise en charge de la jeune femme et son décès.Naomi se trouvait déjà "au-delà de toute ressource thérapeutique au moment du premier appel au Samu", selon l'enquête.

En juillet 2019, 18 mois après le décès de Naomi Musenga, avait été créé le diplôme d'assistant de régulation médicale (ARM), désormais obligatoire pour travailler dans les centres de régulation des appels des services d'aide médicale urgente.

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