Dans la guerre de haute intensité, la surprise comme atout pour les forces spéciales

Paris (AFP) - Essentiellement utilisées ces dernières années dans la lutte antiterroriste, les forces spéciales adaptent leurs méthodes pour un conflit de haute intensité, misant sur la ruse et l'effet de surprise afin de contourner des défenses adverses durcies.
"Jusqu'il y a peu de temps, nos forces spéciales étaient confrontées à dix gars dans un pick-up avec une kalachnikov et elles arrivaient avec trois hélicoptères et des opérateurs surarmées.Demain, en face, ils (leurs soldats) ont aussi des hélicoptères, des missiles, des jumelles de vision nocturne, ce n'est plus la même opération spéciale", résume Benoît de Saint-Sernin, l'organisateur du salon Sofins dédié aux forces spéciales qui a eu lieu cette semaine près de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.
Face à l'omniprésence des drones et à un espace aérien contesté comme il l'est en Ukraine, comment rester masqué sur le terrain, comment s'infiltrer quand l'hélicoptère n'est pas une solution ?
Il faut revoir la façon de concevoir les opérations des forces spéciales, explique M. de Saint-Sernin.
"Ce qui est certain, c'est qu'elles ne seront pas utilisées sur le front proprement dit", estime le général Christophe Gomart, un ancien patron du Commandement français des opérations spéciales (COS) regroupant 4.500 militaires d'élite issus des trois composantes (air, mer, terre).
Pour autant, ces unités menant des actions commandos "ont toujours existé en haute intensité", remontant aux Corps francs et aux SAS des deux conflits mondiaux, rappelle cet ancien militaire aujourd'hui député européen.
Faiblement armées, elles doivent avant tout miser sur l'effet de surprise afin de modifier le rapport de force.Pour cela, il faut tromper l'ennemi.
- Communications coupées -
Il s'agit d'identifier les points de faiblesse sur une ligne de front en vue de s'y engouffrer, tout en amenant l'adversaire à regarder ailleurs pendant ce temps par des manoeuvres de diversion.
En haute intensité, les opérations spéciales se jouent en profondeur ou en périphérie du front, confirme une source militaire.
"Elles auraient vocation à faciliter l'accès au théâtre des forces conventionnelles (...) en ciblant par exemple les défenses sol-air ou littorales grâce à leur capacité de renseignement en profondeur et d'action en zone arrière", expliquait en 2022 dans une note de l'Institut français des relations internationales (IFRI) le colonel Laurent Bansept, un officier de l’armée de Terre spécialiste du renseignement et des opérations spéciales.
La préparation de la mission sera prépondérante, qu'il s'agisse de collecter des renseignements ou de détruire un poste de commandement.
Car une fois sur le terrain, ces unités devront "combattre débranchées, à la fois des communications et des échelons supérieurs", écrit dans une étude Jack Watling, un expert de l'institut britannique RUSI.
Il faut donc pour les forces spéciales "retrouver une forme de frugalité électromagnétique", selon la source militaire.
Le contrôle de l'opération par l'échelon politique sera donc moins direct et le commandement devra diriger "par intention" en donnant un objectif et en laissant toute latitude à ses subordonnés pour effectuer la mission.
Avant le conflit ouvert, l'action dans les "zones grises apparaît comme le futur terrain d'action privilégié des forces spéciales", dit Laurent Bansept.Des opérations coups de poing à des fins d'influence pour tester l'adversaire, "rompre l'escalade", voire décourager l'ennemi.
Et au-delà de l'action commando proprement dite, ces unités ont aussi un rôle de soutien (matériel, formation, encadrement) aux forces irrégulières, à l'instar de l'action du SOE britannique auprès des maquis de la Résistance en France au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
"Il s'agira pour le COS d'être capable d'immerger durablement des détachements très légers de forces spécialisées auprès d'acteurs locaux", note Laurent Bansept.