Adolescent tué à Bordeaux: verdict attendu au terme d'un procès sous tension

Bordeaux (AFP) - Son ouverture, il y a deux semaines, a donné lieu à une bagarre dans le palais de justice.Le procès tendu du meurtre d'un adolescent à Bordeaux, sur fond de rivalité entre quartiers, s'achève vendredi devant la cour d'assises de la Gironde.
Trente ans de réclusion criminelle ont été requis contre deux jeunes hommes accusés d'avoir tiré mortellement sur Lionel, 16 ans, et blessé trois mineurs et un adulte aux Aubiers, quartier populaire du nord de Bordeaux, le 2 janvier 2021.
Une peine de 20 ans a été requise contre le chauffeur présumé du commando.Les trois nient leur participation aux faits.
"Ils n'ont pas hésité à +rafaler+ dans le dos des enfants qui s'enfuyaient", a dénoncé mercredi l'avocat général, Jean-Luc Gadaud, fustigeant un mobile "pitoyable", "une simple bataille de rap entre deux quartiers", "seul déclencheur de ce carnage".
"Le premier jour d'audience a montré le niveau de haine", a poursuivi le magistrat dans son réquisitoire, évoquant "ces hommes en noir venus pour en découdre" le soir du 12 mai.
Tandis que la salle d'audience se vidait, une rixe avait éclaté entre soutiens des victimes et partisans des accusés.Le dispositif policier a depuis été renforcé, la jauge de l'assistance réduite.
"Même la mort d'un gamin n'a pas un instant guéri les quartiers de leur haine.C'est une violence revendiquée et désinhibée", a cinglé l'avocat général, en voyant là "une photographie de notre temps".
- Intimidations et menaces -
La tension est restée palpable durant le procès, des témoins exprimant leur "peur" de représailles."Il y a des vérités que je ne dirai pas", a déclaré l'un d'eux, deux femmes refusant de venir déposer devant la cour après des "intimidations".
"Vous avez des accusés qui gardent le silence, qui mentent, des éléments de preuves qui disparaissent, des témoins menacés", a résumé Jean-Luc Gadaud.
Il a requis des peines allant de trois ans (dont deux avec sursis) à cinq ans de prison à l'encontre des cinq autres mis en cause, jugés pour association de malfaiteurs - tous nient aussi les faits.
Le 2 janvier 2021 en fin de journée, tandis que Lionel et un ami vendaient des pâtisseries au pied d'un immeuble, des témoins ont vu deux hommes cagoulés surgir d'une Clio noire conduite par un troisième.
L'accusation s'appuie aussi sur des éléments de téléphonie, des appareils ayant été éteints puis rallumés avant et après les tirs, ainsi que sur l'achat, quelques heures avant la fusillade, de cagoules et de gants en latex - pour faire de la motocross et du ménage, selon les accusés.
- "Faire taire les détonations" -
"Ces achats signent le crime", a tonné mercredi Me Jean Gonthier, l'un des avocats des parties civiles.Mais pour la défense, qui plaide l'acquittement général, rien ne prouve la culpabilité des mis en cause, tous issus de la cité Chantecrit.
"On a retrouvé l'arme?Non.ADN?Non.Empreintes?Non.Témoin objectif?Non.Lien avec le véhicule volé?Non.Vidéosurveillance?Non plus", a énuméré jeudi à la barre Me Saïd Harir, avocat d'un des tireurs présumés.
Me Christian Blazy, qui défend l'autre, rappelle que selon les douilles saisies sur les lieux, l'arme utilisée le 2 janvier 2021 avait déjà été utilisée en 2019, mais cette fois contre les accusés.Ce qui accrédite, selon lui, la piste d'un règlement de comptes impliquant d'autres tireurs, qui serait lié au trafic de stupéfiants.
La rivalité entre les Aubiers et Chantecrit s'était exacerbée les semaines précédentes.Après une bagarre dans un bar entre jeunes des deux quartiers, une tentative de meurtre avait eu le 14 décembre 2021 sur un mineur des Aubiers, appelé à la rescousse par un autre qui s'était fait tabasser.
Et la veille des faits, le frère d'un des principaux accusés avait été blessé par balle.
"La famille vous demande à jamais de faire taire les détonations, dans leur tête mais aussi dans les quartiers", a lancé aux jurés Me Yann Herrera, l'avocat des parents de Lionel.
Le verdict est attendu en fin de journée.