A69: premier succès au Parlement pour les défenseurs de la reprise du chantier

Paris (AFP) - Les élus pro-A69 engagent le bras de fer au Parlement: le Sénat a largement adopté jeudi un texte atypique pour tenter d'obtenir par la loi la reprise du chantier de l'autoroute Toulouse-Castres, en dépit de sérieuses interrogations juridiques et de l'opposition résolue des écologistes.
Les parlementaires parviendront-ils à court-circuiter la suite de la procédure judiciaire entourant le projet?Les deux sénateurs du Tarn, Marie-Lise Housseau et Philippe Folliot, ont en tout cas obtenu une première victoire en faisant adopter confortablement en première lecture une loi dite de "validation".
"Nous faisons notre travail de parlementaire en proposant une porte de sortie pour faire en sorte d'arrêter cette situation ubuesque et stopper cette gabegie", a lancé M. Folliot pour justifier cette initiative.
Le Sénat, dominé par une alliance droite-centristes, l'a soutenu à 252 voix contre 33, les oppositions émanant des rangs écologistes et de certains communistes.L'Assemblée nationale prendra le relais dès le 2 juin à l'initiative des députés du Tarn, avec de bonnes chances d'adoption définitive.
La démarche entend permettre aux parlementaires de "reprendre la main", après l'annulation par le tribunal administratif de Toulouse de l'autorisation de construire cette portion d'autoroute de 53 km, entraînant la suspension du chantier entamé en 2023.
- "Urgence" de "désenclavement" -
Concrètement, il s'agit de faire "valider" par la loi deux arrêtés relatif à l'autorisation environnementale du projet, au motif qu'il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), nécessaire pour justifier aux yeux de la justice les atteintes portées à l'environnement par un tel chantier.
Le Sénat répond ainsi "à une situation d'urgence" pour "éviter les conséquences dramatiques d'un arrêt du projet", a martelé le sénateur Horizons Franck Dhersin, rapporteur du texte.
En effet, les défenseurs du texte plaident pour le "désenclavement" d'un bassin d'environ 100.000 personnes (Castres-Mazamet) et veulent donner des perspectives aux acteurs économiques locaux.
Or selon Marie-Lise Housseau, l'arrêt du projet, qui devait s'achever en 2025, entraînerait des "dommages irrémédiables tant sur le plan économique que sur le plan psychologique pour ce département (le Tarn, NDLR) qui se sent humilié, méprisé et nié dans ses choix de développement".
Mais au-delà du bien-fondé du projet d'A69, les débats les plus nourris ont concerné la forme de cette initiative, avec de sérieuses interrogations sur sa conformité à la Constitution.
"Le législateur crée un précédent grave en tentant d'influencer une Cour de justice", s'est alarmé l'écologiste Jacques Fernique, fustigeant une initiative qui "fait primer une volonté politique sur l'État de droit".
- "Message trouble" -
A l'opposé, les soutiens du texte ont défendu leur démarche en listant méticuleusement les nombreux "motifs impérieux d'intérêt général" démontrant selon eu la conformité du texte à la loi fondamentale: socioéconomiques, politiques, environnementaux, relatifs aux finances publiques ou encore à la sécurité routière.
Mais certains législateurs n'ont pu masquer leur inconfort face à une proposition de loi au format inhabituel, débattue à quelques jours de l'examen par la cour administrative d'appel de Toulouse d'un premier recours contre l'arrêt des travaux, le 21 mai.
"Nous ne devons pas procéder à du cas par cas législatif", a reconnu le communiste Jean-Pierre Corbisez, pourtant favorable.Le Sénat "envoie un message trouble, celui d'un Parlement qui interviendrait pour sauver un projet en difficulté juridique", a abondé le socialiste Hervé Gillé, dont le groupe n'a pas participé au vote malgré quelques soutiens de sénateurs occitans.
Si plusieurs ministres ont salué ces derniers jours l'initiative, le gouvernement n'a pas pris position officiellement devant le Sénat, préférant un "avis de sagesse" pour "n'interférer ni dans la procédure juridictionnelle en cours, ni dans le travail parlementaire", a expliqué le ministre des Transports Philippe Tabarot.
Mais "la position du gouvernement n'est plus à prouver sur la nécessité de cette autoroute", a-t-il pris soin de rappeler.
Les opposants au texte resteront aussi probablement minoritaires à l'Assemblée nationale, mais leurs troupes y sont tout de même en nombre suffisant pour saisir le Conseil constitutionnel en vue d'obtenir la censure du texte.
"Le Conseil sera évidemment saisi", a confirmé à l'AFP le sénateur écologiste Ronan Dantec, qui a dénonce "une loi de posture".