Mean Streets : Martin Scorsese a payé la mafia pour filmer dans Little Italy

Le réalisme de Mean Streets avait un prix, et la pègre new-yorkaise l’a bien compris.
Tl;dr
- L’industrie du cinéma dissimule depuis longtemps certains coûts officieux, parfois liés à des pratiques illégales comme la consommation de drogues.
- Martin Scorsese a lui-même dû payer des sommes non officielles pour pouvoir tourner dans son quartier natal de Little Italy lors de Mean Streets.
- Grâce à un prêt de Francis Ford Coppola, ces dépenses ont permis d’ancrer le film dans une authenticité unique, devenue une signature du style Scorsese.
Cinéma et dessous-de-table : une tradition bien ancrée
Dans les coulisses de l’industrie du cinéma, il n’est pas rare que certains postes de dépenses restent officieux, voire soigneusement dissimulés. Dès les années 1970 et 1980, la rumeur courait déjà sur l’existence d’un véritable « budget cocaïne » pour quelques productions hollywoodiennes. À ce sujet, l’acteur Dennis Quaid confiait en 2011 à l’agence Reuters que ces frais pouvaient être camouflés comme de la petite caisse : « Au lieu de prendre un cocktail, on prenait une ligne », résumait-il. Ce genre de pratiques illégales est loin d’avoir disparu, tant l’industrie du film, confrontée à la législation américaine inchangée sur les stupéfiants, cultive depuis toujours une forme de créativité comptable.
L’envers du décor à Little Italy
Pour son film culte Mean Streets, sorti en 1973 et qui révéla notamment Robert De Niro, le réalisateur Martin Scorsese a lui-même été confronté à ces réalités lors du tournage. Bien qu’une grande partie des scènes ait été tournée à Los Angeles, il tenait absolument à capturer l’âme de son quartier natal, Little Italy. Mais ce retour aux sources s’est révélé plus coûteux que prévu. Lors d’une discussion publique en 2024 avec le rappeur Nas, Martin Scorsese est revenu sur cet épisode : désireux de filmer un couloir précis sur Mulberry Street, il se heurte au refus catégorique du propriétaire — malgré ses racines locales. Même son père ne parviendra pas à négocier : « Il fait de l’argent avec ce film… Nous, on est toujours là… Voilà le prix », relate-t-il.
Payer pour tourner : une réalité assumée par Martin Scorsese
Sans surprise, le cinéaste doit donc s’acquitter d’une somme auprès d’organisations locales pour obtenir les autorisations nécessaires. Une scène révélatrice du climat ambiant dans lequel évolueront plus tard des œuvres comme Les Affranchis ou Le Parrain, où la loi du plus fort s’impose. Parmi les solutions trouvées pour contourner ces obstacles financiers :
- Paiements directs aux associations locales, comme la San Gennaro Society.
- Soutien financier inattendu de pairs tels que Francis Ford Coppola.
C’est ce dernier qui prêta à Martin Scorsese les fameux 5000 dollars exigés par le quartier – somme que le jeune réalisateur remboursera dès la vente du film.
Une authenticité chèrement acquise mais précieuse
Finalement, si Mean Streets n’a rien d’un outil promotionnel pour le tourisme new-yorkais, l’investissement consenti par Scorsese aura permis au film d’insuffler une authenticité rare. Pour ceux qui connaissent bien le quartier – avoir vécu un an au coin de Grand et Mott donne quelques certitudes –, impossible de nier que chaque dollar dépensé sur place aura nourri cette atmosphère si particulière propre aux premiers chefs-d’œuvre du réalisateur new-yorkais.