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Les raisons derrière la volonté de la Russie d’interdire la saga Shrek

Les raisons derrière la volonté de la Russie d’interdire la saga Shrek
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La célèbre saga d’animation Shrek fait l’objet d’une controverse en Russie, où les autorités cherchent à interdire la diffusion de la franchise. Cette démarche suscite interrogations et réactions dans le pays comme à l’international.

Tl;dr

  • La Russie accuse Shrek d’influencer négativement les enfants.
  • Les films américains jugés propagandistes par Moscou.
  • La censure vise des valeurs jugées « non traditionnelles ».

Un ogre dans le viseur du Kremlin

À première vue, l’idée prête à sourire : Shrek, l’ogre vert né sous la plume de William Steig puis popularisé par le film satirique de DreamWorks en 2001, serait un danger pour la jeunesse russe. Pourtant, c’est bien la position affichée ces derniers jours par certains membres de la Douma, selon une enquête du Moscow Times. Lors d’une réunion gouvernementale consacrée à l’influence des médias étrangers sur les enfants, plusieurs personnages issus de la pop culture occidentale – dont The Grinch ou encore Mike Wazowski (Monsters, Inc.) – ont été pointés du doigt. « Ils n’ont pas l’air mauvais, mais ils présentent tous des défauts physiques ou de caractère… L’image du personnage positif pur a disparu avec l’infiltration de la culture occidentale », déplore ainsi la députée Yana Lantratova. Bref, malgré son évolution vers plus de noblesse et d’humanité au fil de l’histoire, Shrek serait jugé mauvais modèle rien qu’à cause de ses traits négatifs initiaux.

Cinéma et « guerre hybride » culturelle

Derrière cette croisade contre le divertissement américain se dessine une stratégie plus large. À en croire les propos rapportés du chef politique Sergueï Mironov, le Kremlin voit dans les films pour enfants venus d’Occident une véritable arme d’influence. Selon lui, les États-Unis mèneraient une « guerre hybride » visant à inculquer aux jeunes Russes des valeurs contraires à celles du pays. Le contexte n’est pas anodin : ces critiques s’inscrivent dans un vaste appel aux « valeurs traditionnelles et pro-famille », promu par le président Poutine, parallèlement à une campagne encourageant la natalité. Tout contenu soupçonné de décourager la maternité pourrait coûter cher : jusqu’à 46 000 dollars d’amende pour les grandes entreprises du divertissement.

Derrière Shrek, quelles valeurs sont vraiment ciblées ?

Mais au fond, que reproche-t-on vraiment à Shrek ? En surface, il s’agit d’un anti-héros bourru qui finit par apprendre l’amour et l’acceptation de soi, loin des canons aseptisés des contes classiques. On notera aussi que le film égratigne ouvertement le monopole culturel exercé par Disney sur les fables européennes : on se souvient notamment de cette scène où la princesse Fiona fait exploser un oiseau en chantant trop fort… Plus largement :

  • L’anticonformisme amoureux : Shrek tombe amoureux d’une princesse hors normes ; Donkey s’éprend d’un dragon.
  • L’autodérision et critique sociale : Lord Farquaad incarne une autorité cruelle obsédée par le contrôle et l’exclusion.
  • L’éloge de la différence : Les héros ne rentrent pas dans les cases classiques du genre.

Cette satire peu flatteuse envers les figures dictatoriales n’a peut-être rien d’anodin aux yeux des dirigeants russes.

Censure ou obsession identitaire ?

Aujourd’hui, si aucun décret officiel ne frappe encore le film – une « zone grise juridique » empêche pour l’instant toute interdiction –, l’affaire illustre surtout une crispation grandissante autour des œuvres étrangères véhiculant des modèles perçus comme subversifs. Après les interdictions frappant films et séries LGBTQ+, voilà donc que même un ogre farceur peut inquiéter Moscou. Difficile alors de ne pas voir dans cette croisade culturelle une nouvelle étape dans la redéfinition autoritaire de ce que doit être – ou non – l’imaginaire russe contemporain.

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