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Au Canada, la promesse de régularisation des sans-papiers en péril

Au Canada, la promesse de régularisation des sans-papiers en péril
Publié le 09 mai 2024 à 14:03, mis à jour le 09 mai 2024 à 14:03

Montréal (AFP) - Justin Trudeau avait suscité l'espoir de centaines de milliers de sans-papiers du Canada il y a quelques années en promettant un vaste programme de régularisation.Mais en l'espace de quelques mois, le vent a tourné, mettant en péril le plan historique.

"J'avais beaucoup d'espérance mais maintenant je ne sais plus quoi penser.C'est très dur", confie à l'AFP Nina sous le couvert de l'anonymat. 

Cette Colombienne de 50 ans, arrivée au Québec avec sa fille mineure en 2008, est depuis 2015 sans statut."Pourtant, ici, j'ai trouvé la paix.Je fuyais la violence de mon pays et la violence familiale", glisse-t-elle.

"Quand en 2015 on m'a demandé de quitter le Canada, j'ai voulu me suicider.Je ne sais pas comment je vais supporter tout cela si le plan n'est pas pour moi.Ma fille est devenue Canadienne, ma vie est ici", confie-t-elle, la voix étranglée par l'émotion.

Le programme devait concerner des personnes entrées illégalement mais présentes sur le territoire depuis des années, tout comme des personnes entrées légalement dans le pays mais qui sont restées après l'expiration de leur visa.

Mais les dernières déclarations du gouvernement ont jeté le trouble parmi les sans-papiers et les associations.

Comme Nina, entre 100.000 et 1 million de personnes seraient sans-papiers au Canada, selon les différentes estimations.Leur nombre réel se situe certainement entre les deux, explique le ministre de l'Immigration, Marc Miller.

- "Rhétorique toxique" -

Interrogé par l'AFP, le ministre promet toujours un programme "ambitieux" dans les mois à venir pour des gens qui sont là "parfois depuis des années avec des enfants qui ont grandi ici".Mais il reconnaît maintenant que le programme "ne sera pas pour tout le monde".

Le Canada n'est plus "exempt de la rhétorique toxique concernant l'immigration qui touche tous les pays occidentaux", regrette-t-il.

De nombreux sondages réalisés au cours des derniers mois ont montré un changement perceptible de l'opinion publique à l'égard de l'immigration après des années d'une politique considérée comme très ouverte. 

Ainsi, 67% des Canadiens interrogés considèrent que les niveaux d'immigration au Canada sont "trop élevés", un pourcentage en hausse.Et seuls 24% d'entre eux estiment que le niveau actuel de l'immigration contribue positivement au pays.

Beaucoup estiment que les nouveaux arrivés exercent une pression supplémentaire sur les structures de soin et les logements, notamment dans un contexte de crise.

"Les gens s'interrogent de plus en plus sur la manière dont l'immigration est gérée", estime Andrew McDougall, politologue à l'université de Toronto

Mais "ce serait aller trop loin que de dire qu'il y a eu un tournant anti-immigrés au Canada", ajoute-t-il.

Début 2024, le Canada a franchi la barre des 41 millions d'habitants grâce à l'immigration, encouragée pour lutter contre la pénurie de main d'oeuvre. 

Et selon le dernier recensement de 2021, 23% de la population canadienne est née à l'étranger.

- "Ne plus vivre cachée" -

Dans ce contexte, le gouvernement a lui aussi changé de position: le Canada va réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires et d'étudiants étrangers accueillis.

Des annonces qui font craindre aux associations d'aide aux migrants que les sans-papiers deviennent "les oubliés de l'Histoire".

"On ne se donne pas les moyens de réformer le système pour permettre de sortir ces personnes de la violence, des harcèlements, de l'exploitation qu'elles subissent tous les jours", dénonce Carole Yerochewski du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI).

L'exil est un long chemin de croix, raconte Mariana qui parle également sous le couvert de l'anonymat.

Cette Mexicaine rêve d'un "changement pour être utile à la société et ne plus vivre cachée".Elle raconte avoir longtemps travaillé au noir comme aide à domicile pour une personne âgée, payée 1,50 dollar de l'heure (1,01 euro).

"Le Canada manque de travailleurs donc pourquoi on ne s'occupe pas de régulariser ceux qui sont déjà là?C'est incompréhensible pour moi", renchérit Annette, arrivée du Cameroun il y a cinq ans et qui a vu sa demande d'asile rejetée.

Elle sort peu, craignant d'être interpellée, et vit uniquement grâce au soutien des associations.

Le dernier plan de régularisation au Canada date d'août 1973 à l'époque de Pierre-Elliott Trudeau, le père de l'actuel Premier ministre.Adopté pratiquement sans opposition, le programme avait permis de régulariser seulement quelque 39.000 personnes.

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