Dernière ligne droite à Cannes, Ken Loach vers le record ?

Cannes (AFP) – Une troisième Palme pour Ken Loach?Dernière ligne droite au Festival de Cannes, où les deux derniers des 21 films en compétition ont été projetés vendredi, avant que le jury ne se retire pour décerner samedi soir la Palme d’or.

Cette 76e édition a déjà été marquée par le retour des stars hollywoodiennes et la présence record de réalisatrices. 

Vendredi, le Britannique Ken Loach (86 ans) a présenté « The Old Oak », un long-métrage qui mêle les destins d’ouvriers désargentés du nord de l’Angleterre et ceux de Syriens ayant fui le régime de Bachar al-Assad.

Comment accueillir des réfugiés quand on est soi-même en situation de grande précarité?Telle est la question posée par le film qui s’inscrit dans la continuité d’une oeuvre sociale entamée il y a soixante ans et qui pourrait faire de lui le premier réalisateur à décrocher une troisième Palme d’or.

Le film a été applaudi pendant cinq minutes. »Merci! », a-t-il dit, ému, à l’issue de la projection au public. »Ça me dépasse », a-t-il poursuivi.Et d’ajouter que « ce film est un film sur l’espoir.(…) Continuons à nous battre, nous allons gagner », a-t-il conclu, le poing levé.

Témoin impitoyable de son époque, droit dans ses bottes et ses convictions (très à gauche) depuis ses débuts, il a remporté sa première Palme en 2006 avec « Le vent se lève » et la seconde en 2016 avec « Moi, Daniel Blake ».

Un peu plus tôt, l’Italienne Alice Rohrwacher, pour la troisième fois en compétition, avait présenté « La Chimera ».

– Kaurismäki favori –

Le film plonge dans l’univers du marché noir des artefacts funéraires, avec l’histoire d’un jeune archéologue mêlé à un groupe de pilleurs de tombes dans l’Italie des années 1980.Bien que le film s’apparente à un conte comique, il explore également des thèmes plus sérieux allant de la corruption et la cupidité à la relation avec les morts.

La cinéaste de 41 ans a obtenu le Grand prix du Festival en 2014 avec « Les Merveilles », avant de recevoir, quatre ans plus tard, le prix du scénario ex aequo pour « Heureux comme Lazzaro ». En 2019, elle avait été membre du jury.

Qui succédera à Ruben Östlund, Palme d’or l’an dernier avec « Sans filtre » et cette fois président du jury?A ce stade, Aki Kaurismäki fait la course en tête avec « Les feuilles mortes », selon le magazine professionnel Screen qui compile des critiques de la presse internationale.

Le Finlandais, expert du spleen, a reçu un accueil extrêmement élogieux avec sa romance minimaliste aux accents baudelairiens entre deux âmes esseulées, dans une Finlande ouvrière et pluvieuse.

L’auteur du « Havre » et de « l’Homme sans Passé » y narre la rencontre improbable d’une caissière de supermarché, licenciée pour le vol d’un sandwich, et d’un homme alcoolique. 

L’autre grand favori est le film de la Française Justine Triet, « Anatomie d’une chute ».Dense et rythmé, il dresse le portrait d’une femme accusée d’avoir tué son mari.Castratrice diabolique ou victime?Au spectateur de trancher. 

Dans le rôle-titre, l’Allemande Sandra Hüller, également présente dans « The Zone of Interest » du Britannique Jonathan Glazer.

« Anatomie d’une chute » ne repartira en tout cas pas bredouille: la décalée « Palm dog », qui récompense la meilleure performance canine du Festival, a été décernée vendredi au chien du film, Snoop.Un Grand prix d’honneur a également été remis à Ken Loach pour la place accordée à cet animal dans sa filmographie.

Autre coup de cœur des festivaliers, « May December », du réalisateur américain Todd Haynes.Un film sur les faux-semblants et le déni d’une relation interdite entre un mineur et une adulte, avec Julianne Moore et Natalie Portman.

Pour sa part, le prix Un Certain Regard a été décerné vendredi soir à la Britannique Molly Manning Walker pour « How to Have Sex ».

Et la Queer Palm, un prix alternatif du meilleur film LGBT+, est revenue à « Monster » du maître japonais Hirokazu Kore-eda, avec lequel il brigue samedi une seconde Palme d’or après « Une Affaire de famille » (2018).

Commençant comme un drame sur le harcèlement en milieu scolaire, raconté de multiples points de vue, son intrigue évolue vers une relation d’amitié très étroite, voire d’amour, esquissée entre deux jeunes élèves et filmée avec une grande pudeur.

Le palmarès est attendu samedi, en début de soirée.

La justice suspend un arrêté municipal interdisant la venue de Tariq Ramadan à Nice

Nice (AFP) – Le tribunal administratif de Nice a suspendu samedi au nom de la liberté de réunion et d’expression un arrêté municipal pris pour interdire la venue dimanche de l’islamologue controversé Tariq Ramadan, attendu pour y animer un « déjeuner littéraire ».

Rejoignant les arguments de la défense de Tariq Ramadan, le tribunal considère que cet arrêté « porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion et d’expression » et condamne la municipalité à verser 500 euros à M. Ramadan, selon une décision obtenue par l’AFP.

La ville de Nice, dirigée par Christian Estrosi (Horizons), avait elle notamment invoqué un « risque de trouble à l’ordre public », mettant en avant la possibilité qu’un collectif d’associations féministes ne vienne manifester.

« Je regrette cette décision », a réagi Christian Estrosi dans une déclaration à l’AFP estimant que Tariq Ramadan est un « prédicateur qui prône le séparatisme et l’avilissement des femmes » et qu’il n’est « pas le bienvenu à Nice ». 

Figure contesté et à l’influence déclinante de l’islam européen, tout juste acquitté dans une affaire de viol en Suisse, Tariq Ramadan doit animer dimanche un « déjeuner littéraire » dans un restaurant niçois, auquel près de 80 personnes se sont inscrites.L’endroit est tenu secret et les participants ne recevront que deux heures avant le lieu de rendez-vous pour un échange autour de L’Alchimiste de Paolo Coelho suivi d’une « réflexion méditative ».

Selon Me Sefen Guez Guez, qui a plaidé la cause de M. Ramadan lors de l’audience samedi, son client a animé 19 déjeuners littéraires de ce type depuis deux ans en France.Après celui de Nice, un autre est prévu en région parisienne le 18 juin.

Fin mai, Tariq Ramadan a été acquitté de l’accusation de viol et contrainte sexuelle par un tribunal de Genève qui a jugé qu’il n’y avait pas de preuve contre lui dans cette affaire remontant à 2008.

Il s’agissait du premier procès pour viol contre Tariq Ramadan, âgé de 60 ans.Il est menacé d’un procès en France pour des faits similaires.

En 2016, le tribunal administratif de Nice avait déjà rejeté la requête d’un élu du Front National qui demandait l’interdiction d’une de ses conférences à Carros (Alpes-Maritimes).

Docteur de l’université de Genève, où il a écrit une thèse sur le fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans qui était son grand-père, Tariq Ramadan a été professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni. 

En France, il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017. Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d’assises et il appartient aux juges d’instruction d’ordonner un procès ou pas.

Les motards en colère défilent dans Paris contre le contrôle technique, les ZFE et le stationnement payant

Paris (AFP) – Des motards ont défilé samedi dans Paris pour protester contre la mise en place d’un contrôle technique pour les deux-roues motorisés, le stationnement payant à Paris et les zones à faible émission (ZFE) dans les centres-villes.

Quelque 1.500 motos selon la Fédération française des motards en colère (FFMC) ont vrombi au départ de la porte Dauphine devant le siège de la métropole de Paris, la mairie et le Conseil d’Etat.A l’arrivée, l’AFP n’en comptait plus que 200.

« Les conducteurs de deux-roues font face à une triple peine: des contrôles techniques qu’il faut payer, la mise en place d’un stationnement payant à Paris depuis septembre, et surtout celle des Zones à faible émission (ZFE) dans de nombreuses villes qui est une vraie bombe sociale car elle prive d’accès beaucoup de gens aux centres-villes », a déclaré à l’AFP Jean-Marc Belotti, coordinateur de la Fédération française des motards en colère pour Paris et la Petite couronne.

Jeudi, le Conseil d’État a donné deux mois au gouvernement pour prendre un arrêté organisant le contrôle technique, conformément à une obligation européenne datant de 2014, mais jamais appliquée en France. 

Le calendrier et les modalités doivent en être rendus publics « dans les prochains jours » par le ministre délégué aux Transports Clément Beaune, qui doit aussi recevoir les représentants de la FFMC, a indiqué M. Belotti.

La Fédération des motards affirme surtout se battre « pour que les deux-roues motorisés soient reconnus comme une réponse à la mobilité » et soient « autorisés à ce titre à circuler dans les Zones à faible émission (ZFE) ».

« Ca devient très compliqué d’utiliser un deux-roues à Paris alors qu’ils sont une solution de mobilité », dit Harry Bivigeu, consultant, qui manifestait sur sa BMW.Habitant les Yvelines, il travaille au coeur de Paris dans le 8e arrondissement. »Je ne vois pas ce qu’un contrôle technique va ajouter à la sécurité, l’accidentologie sur deux-roues due au mauvais état des véhicules est déjà très faible », affirme-t-il.

« Beaucoup de motards sont d’anciens automobilistes qui optimisent l’espace public en ville », estime M. Belotti, pour qui les ZFE sont « discriminatoires » et constituent une « assignation à résidence » pour tous.

Cassie, 28 ans, auxiliaire puéricultrice et manifestante également, dit à l’AFP avoir « abandonné son travail à Paris pour en trouver un autre à la Garenne-Colombes », où elle réside, depuis que le stationnement est devenu payant à Paris.

La FFMC a appelé à manifester de nouveau à Paris lundi contre le stationnement payant, et le 10 juin à Rouen contre les ZFE.

LGV Sud-Ouest: 400 manifestants en Gironde, qui comptent « durcir » la lutte

Saint-Médard-d’Eyrans (France) (AFP) – Quelque 400 manifestants se sont rassemblés samedi en Gironde contre la future ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, dont les premiers travaux sont attendus fin 2023, en prévenant que l’opposition au projet risquait de « se durcir ».

A l’appel de l’association LGVEA et des collectifs « LGV Ni ici ni ailleurs » (LGV-NiNa) et « Stop-LGV Bordeaux Métropole », une « balade naturaliste » a été organisée samedi à la mi-journée pour visualiser l’emprise de la future ligne à Saint-Médard-d’Eyrans, à une quinzaine de kilomètres au sud de Bordeaux.

« On va s’y opposer.La vallée du Ciron, on va la défendre et ça va se durcir », a déclaré Richard Lavin, membre du collectif LGV-NiNa, en présence de plusieurs parlementaires et élus.

Ce Grand projet du Sud-Ouest (GPSO), dans les cartons depuis 1991 et relancé ces dernières années, vise à relier, en 2032, Toulouse à Paris en 3h10 et à Bordeaux en 1h05, gagnant une heure sur l’itinéraire actuel.Cinq ans après, selon la présidence du GPSO, un tronçon empruntant l’est de la forêt landaise devrait rallier Dax à Bordeaux en vingt minutes de moins que le tracé existant.

En avril, le préfet d’Occitanie Pierre-André Durand, par ailleurs coordonnateur du GPSO, a confirmé sur France Bleu que la mise en service de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse restait prévue en 2032 et que le chantier démarrerait « en principe en fin d’année ».

Le président de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset (PS) et ses autres partisans défendent un projet « vert » qui permettrait de « sortir » de la route les 10.000 camions remontant chaque jour depuis l’Espagne, en libérant les lignes existantes pour le fret.

Mais les opposants dénoncent un « projet mortifère » qui conduirait selon eux à l’artificialisation de 5.000 hectares, en traversant notamment la vallée du Ciron, affluent de la Garonne, où se trouve une hêtraie ancestrale.

« On ne peut pas défoncer le bassin aquitain quand on voit les crises (de sécheresse) qu’on a », a déclaré à l’AFP Pauline Dupouy, porte-parole de LGV-NiNa. »C’est le bon timing pour réagir, il n’est pas trop tard, les travaux n’ont pas commencé. »

Les opposants critiquent aussi l’imposition d’une taxe spéciale d’équipement (TSE) à 2.000 communes proches du tracé pour financer un « chantier pharaonique » évalué à 14 milliards d’euros.Cette enveloppe doit être prise en charge à 40% par l’État, 40% par les collectivités et 20% par l’Union européenne.

« Vingt mille lieues sous les mers » vu de près dans une exposition à Amiens

Amiens (AFP) – Le « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne est à voir de près à Amiens avec une exposition au musée de Picardie qui montre le manuscrit de ce roman au succès mondial.

Ce sont en fait deux manuscrits datant de 1868 et 1869 que prête la Bibliothèque nationale de France pour cette exposition.

Le premier, à l’écriture minuscule, réunit deux versions intermédiaires de ce récit de voyage sous les océans du monde.Le second, facilement lisible, est le texte définitif à l’attention de l’imprimeur.

Amiens est le lieu où Jules Verne finit ses jours, choisissant la ville de son épouse.

Mais l’écrivain rédige surtout dans un petit port de pêche à 75 km de là, en baie de Somme.

« C’est au Crotoy qu’il va écrire l’essentiel de son roman, ainsi qu’à bord de son bateau.Il écrit à son éditeur, Pierre-Jules Hetzel, qu’il lui vient plein d’idées en naviguant », explique l’un des commissaires d’exposition, l’universitaire Daniel Compère.

Hetzel sera exigeant avec son auteur, le poussant à donner à cette aventure un souffle romanesque et des personnages dignes du sujet. 

À commencer par le capitaine Nemo, aux commandes du sous-marin Nautilus.

Le musée amiénois va jusqu’à recréer un Nautilus en bois, posé dans sa galerie d’exposition aux murs peints bleu nuit. 

Il rend bien l’impression que laisse le roman de ce submersible se fondant dans la faune océanique.

« Jules Verne a beaucoup d’imagination, mais c’est aussi un très gros travailleur.Donc il consulte une masse de documentation gigantesque », rappelle un autre commissaire, François Séguin, du musée de Picardie.

L’écrivain est aussi un passionné de science, qui décrit par exemple à longueur de pages des poissons méconnus, dont quelques spécimens pêchés dans l’océan Indien et passés entre les mains d’un taxidermiste sont exposés.

Paru en feuilleton en 1869-1870, le roman doit aussi sa popularité aux 111 illustrations de l’édition de 1871, signées Édouard Riou et Alphonse de Neuville.

« Le succès a été immédiat et universel », souligne François Séguin.Il culmine avec l’adaptation cinématographique par les studios Disney en 1954.

Les péripéties de ce tour du monde et le mystère qui entoure Nemo ont fait de « Vingt mille lieues sous les mers » l’un des livres les plus lus et traduits au monde.

L’exposition est ouverte jusqu’au 1er octobre.